État des lieux : la montée des conflits guerriers et des violences sociétales
La guerre meurtrière menée en Ukraine par l’armée russe cristallise une crise géopolitique : celle-ci se traduit par l’antagonisme de blocs stratégiques (renforcement de l’OTAN…), par la course aux armements et par l’instauration d’une économie de guerre parasite[1], dont les grands bénéficiaires sont les lobbies militaro-industriels. En plus d’accumuler des opérations extérieures en Afrique subsaharienne condamnées par les peuples, la France est le deuxième vendeur d’armes au monde, à destination de dictatures en particulier. Dans le même temps, l’armée israélienne mène une guerre génocidaire sur le territoire de Gaza, qui menace le projet de création d’un État palestinien. Cette vague belliciste traduit une régression inquiétante à l’égard des acquis alimentés depuis la fin de la guerre froide, en matière de diplomatie et de désarmement et, à l’égard du rôle de médiation et de régulation des relations internationales que doivent jouer l’ONU et le TPI (tribunal pénal international).
Dans un cadre national, est également inquiétante la lame de fond autoritaire et ethno-nationaliste qui ébranle les régimes politiques, y compris les plus anciens en matière de démocratie libérale, et met au pouvoir des gouvernements d’extrême droite.
Au sein des sociétés, les violences inter-catégorielles s’intensifient : citons notamment les violences policières à l’égard des migrants/es et des ressortissants/tes des minorités ethniques dans les quartiers populaires, le harcèlement scolaire…
Patriarcat et domination masculine à l’origine de cette « culture de violence ».
Force est de constater que les protagonistes de cette « culture de violence » sont d’abord les institutions régaliennes de défense nationale (l’armée) et de maintien de l’ordre (la police), celles-ci étant de tradition patriarcale ou viriliste et dans lesquelles l’extrême-droite est valorisée.
Les hommes sont les premières victimes de ces confrontations guerrières ou violentes, que ce soit du fait des morts et blessures au combat, des bavures policières ou au regard du taux d’incarcération pour délits et crimes sexuels et de sang.
Les combats féministes en faveur de l’émancipation des femmes et de l’égalité en matière de droits juridiques, politiques et sociaux ont produit des résultats conséquents en un siècle sous nos latitudes. Leur corrélation avec les combats antiracistes, décoloniaux…dans une perspective intersectionnelle constitue une perspective encourageante. Pour autant, ces combats n’ont pas éradiqué le patriarcat ou la domination masculine[2], qui s’alimentent à la source du capitalisme, du néocolonialisme, de l’impérialisme, du radicalisme politico-religieux (sionisme, islamisme…) ou d’un masculinisme revanchard (USA…).
Une étape à franchir : la défense des droits culturels des femmes et d’alternatives politiques féministes
En complément de la promotion des droits précités des femmes, il s’avère nécessaire de revendiquer celle de leurs droits culturels. Récuser la domination masculine nécessite d’affirmer le droit des femmes à la différence culturelle. Il incombe aux féministes et aux citoyennes de faire entendre, par le biais de leurs organisations propres, leur voix spécifique et constructive dans le concert des nations et au sein des sociétés.
Cette nouvelle étape est à concrétiser en réponse au déferlement belliciste précité. Une évolution significative est à saluer, marquée qu’elle est par la nomination de femmes aux premiers postes des États ou de l’Union européenne, en tant que présidente ou première ministre, présidente de l’Assemblée nationale, ministre des Armées… Pour autant, au-delà de l’affichage médiatique ou de la compétence gestionnaire, il reste à ces femmes leaders à marquer leurs mandats de leur empreinte de genre. Cela passe par des stratégies de mise en débat des realpolitiks bellicistes, de recours à des solutions négociées, pacifiques, de médiation interculturelle, de reconversion d’industries militaro-industrielles parasites en industries de développement durable et à visage humain…
Le maintien des États de droit, et il faut l’espérer, leur progression, ainsi qu’un meilleur équilibre des relations internationales sont en partie à ce prix.
Martine Boudet
chercheure en anthropologie culturelle, directrice de Résistances africaines à la domination néocoloniale (Le Croquant, 2021)[3] et de : Urgence antiraciste – Pour une démocratie inclusive – (Le Croquant, 2017)[4].
[1]. Le projet de loi de programmation militaire : vers une « économie de guerre » parasite et dangereuse -Tribune collective aux «Invités de Médiapart», le 4 avril 2023. https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/04/06/le-projet-de-loi-de-programmation-militaire-2024-2030-un-pas-de-plus-vers-une-economie-de-guerre-parasite-et-dangereuse/
[2]. Pierre Bourdieu, La domination masculine, Paris, Éditions du Seuil, 1998
[3].https://editions-croquant.org/actualite-politique-et-sociale/710-resistances-africaines.html
[4]. https://editions-croquant.org/hors-collection/384-urgence-antiraciste.html
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