par Catherine Destom Bottin
Saint-Jean Brèvelay, petite commune du centre Morbihan, 2800 habitants. 29 d’entre eux et moi participons au grand débat national. L’assistance n’est pas jeune mais il y a néanmoins des trente et quarantenaires. Et aussi un jeune homme de 16 ans, membre du conseil municipal des jeunes, Anthony. Le maire, honnête homme naguère de sensibilité PS aujourd’hui prudemment sans étiquette, est amicalement salué par chacun-e. La jeune femme déléguée de la préfecture a posé le décorum. Un tableau pour chacune des questions du président et, prudemment, un supplémentaire intitulé « autres questions ». J’y participe, sans illusion avec l’envie peut-être un peu finaude de m’adresser à mes concitoyens. Ne pas être incongrue ? Alors j’ouvre le bal. Partant de la revendication première des gilets jaunes, je parle du droit à la mobilité pour aboutir à la gratuité des transports. Surprise, cinq ou six interventions m’emboîtent le pas, évoquent ce qui rend âpre le quotidien rural : pas de transport donc le stop à quatre heures du matin pour se rendre à l’usine agroalimentaire où l’on emploie en nombre des femmes seules avec enfants. Et quand la panne survient, pas d’argent pour réparer la voiture donc impossibilité de conserver l’emploi. Et puis le transport scolaire calamiteux qui impose parfois plus de deux heures de trajet aux collégiens qui habitent les lieux-dits, loin de la départementale. Re-surprise. À Saint-Jean on « n’étale » pas ses malheurs ! Pourtant, c’est presque un cri qui surgit, une dame aux cheveux gris revêtue de son gilet jaune intervient et raconte sa pauvreté à 750 € dont 500 partent au loyer. La dame fait des émules dans l’assistance, ce sont des vies qui s’égrènent toutes en dessous du seuil de pauvreté. Et pendant ce temps-là la déléguée de la préfecture remplit la colonne « autres questions ».
Augmenter les bas salaires, restaurer les EHPAD, redonner des moyens aux hôpitaux, redonner des moyens à l’éducation nationale, réouvrir des gares, aller vers la gratuité des transports. Une foule de propositions émergent du public et chacun aimerait que les finances publiques permettent de réaliser la proposition qui est la sienne. Et l’argent ? Et les finances publiques ? Comment ne pas déshabiller Paul pour habiller Pierre ? Je me dis que c’est le moment. Avec la crainte d’être interrompue pour cause de discours politique je parle sans doute un peu trop vite quand j’évoque les 56 milliards d’euros accaparés par l’actionnariat et donc qui échappent à la sphère sociale alors que cette valeur émane de la société elle-même. Troisième grosse surprise de la soirée l’écoute est extrêmement attentive, quelques personnes hochent de la tête lorsque j’évoque l’éviction de l’actionnariat et la nécessité de décider sur les ronds-points mais aussi dans les entreprises.
Et Anthony, le jeune homme de 16 ans, n’a pas pris la parole mais il tient à m’expliquer : « Ce n’est pas en prenant de l’argent à tout le monde sauf aux riches qu’on va changer quelque chose. C’est pour ça que je suis pour le rétablissement de l’ISF. »
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