Au-delà des scandales liés à l’édition 2022 au Qatar, ce livre rappelle que, depuis sa création, cet évènement a une forte dimension politique. De « La Copa del Duce » à « Un sursis pour Videla » ou « L’arrivée de l’Afrique et l’Asie », les 16 chapitres allient football et contexte populaire et politique. Concluant avec « Un avenir programmé », l’auteur revient sur le nationalisme, la lente décolonisation du football, la puissance de la télévision, la fortune de la FIFA, le pouvoir de l’argent…

Le livre est à la croisée de trois histoires : celle de la Coupe du monde de football à travers tout le 20e siècle, mais aussi celles d’un journal, Le Miroir du football, et de son rédacteur en chef, François Thébaud. Ce dernier et l’équipe du Miroir furent au cœur de l’occupation de la Fédération française de football (FFF) en Mai 68, avec la célèbre banderole « Le football aux footballeurs » ou, quelques années plus tard, de la création du Mouvement football progrès (MFP).

Proposé à la fin des années 1990, le manuscrit de François Thébaud s’est heurté à trois indifférences. De la part de celles et ceux qui professent que « le sport ne doit pas être politique » ; à l’opposé, de celles et ceux qui, au nom de la politique, dénoncent toute pratique sportive ; et aussi, de la part de « son camp », dont il avait refusé le diktat, à la fin des années 70, lorsque le PCF voulu remettre la main sur la ligne éditoriale du Miroir. Voici ce livre publié, dans une édition agrémentée de très nombreuses photos[1].


[1]          A propos du Miroir et de F. Thébaud, voir aussi www.miroirdufootball.com

Christian Mahieux

Coupe du monde de football, un miroir du siècle (1904-1998), François Thébaud, Éditions Syllepse, octobre 2022, 12 euros.

Qu’y a-t-il de commun entre les gouvernements espagnol, italien, anglais, belge, français, grec ? Leurs orientations politiques, leurs choix économiques et sociaux sont différents. Une chose est commune à ces pays : les mobilisations collectives sous forme de grèves, nationales ou locales, professionnelles ou interprofessionnelles, les rassemblements et manifestations de celles et ceux qui sont exploité∙es de par le système capitaliste : travailleurs et travailleuses en activité, en retraite, au chômage, en formation… Cela montre, encore une fois, que la solution à la crise du capitalisme n’est pas dans la manière de gérer celui-ci. Ni dans la gestion loyale d’institutions qui n’ont d’autre but que de perpétuer ce système.

Les mouvements sociaux, éminemment politiques, portent les germes de changements radicaux, de ruptures. Pour que cela se concrétise, pour que l’émancipation sociale devienne réalité, mettons-y toutes nos forces ; ne les gaspillons pas dans des discussions vaines, dans des joutes oratoires dont les conséquences ne font guère trembler les capitalistes. La lutte des classes existe, qu’on le veuille ou non, qu’on y participe activement ou non. Une question essentielle est de savoir sur quel terrain la mener. Nos organisations – syndicales, partidaires, associatives, culturelles – ont une responsabilité dans ces choix : où faire la politique ?

Nous citions les grèves et manifestations en Angleterre, Espagne, Italie, France, Belgique et Grèce. C’est par facilité de la proximité géographique. Mais le constat vaut au-delà de l’Europe occidentale. En Ukraine, en Iran, au Soudan, aux Etats-Unis ou en Argentine – et là encore ce ne sont que des exemples -les peuples luttent contre l’agression militaire de la Russie de Poutine ou contre des dirigeants menant des politiques théocratiques et/ou autoritaires, le prolétariat se défend, revendique, crée, organise des grèves, manifestations et autres mouvements de révolte.

Démocratie organisée par et pour la bourgeoisie, théocratie, dictature, pays militairement agressé, tout cela n’est pas égal. Bien entendu. Mais ce qui est commun c’est la capacité d’action autonome des exploité∙es, renforcée par l’évidence du lien à faire contre toutes les discriminations. C’est ce qui est porteur d’espoir de changements permettant d’abord l’amélioration des conditions de vie aujourd’hui et aussi, à partir et grâce à cela, une rupture réelle. Une révolution ? Ouh la…

Christian Mahieux

Cet article fait partie du dossier “Ukraine, de la guerre à la paix” dont vous pouvez retrouver l’intégralité en cliquant sur l’image à gauche.

Après celui de fin avril, un deuxième convoi du Réseau syndical international de solidarité et de luttes est parti fin septembre en Ukraine, amener du matériel et rencontrer des syndicalistes. Les deux éléments sont importants : répondre, autant que possible, aux besoins exprimés par les travailleuses et travailleurs d’Ukraine confronté∙es à la guerre déclenchée par la Russie ; discuter avec elles et eux, « en vrai », pour prolonger les nombreux échanges Internet que nous avons depuis des mois.

En avril, selon les recommandations des membres de la résistance ouvrière de Kryvyi Rih, le convoi avait donné la priorité à l’acheminement de produits de première nécessité pour les réfugié∙es internes des zones occupées et de la ligne de front, tels que des aliments pour bébés, de la nourriture de survie non périssable. Un deuxième lot de marchandises était constitué d’équipements techniques nécessaires dans les zones de la ligne de front et les territoires libérés de l’occupation : groupes électrogènes diesel, batteries, boîtes à outils, vêtements de travail, sacs de couchage, gants et autres articles indispensables en cas de situation critique de pénurie de nourriture, d’électricité ou de chauffage. Cette fois, les camarades ont insisté sur les besoins en équipement techniques et médicaux. C’est donc ce qui a été priorisé.

« Pendant la guerre, la lutte des classes continue » rappellent nos camarades d’Ukraine, qui luttent contre les mesures antisociales du gouvernement Zelinsky, tout en prenant une part extrêmement active à la Résistance, armée et non armée, face l’armée russe. On peut toujours discuter de la situation en Ukraine, élaborer des analyses, écrire des textes et des contre-textes : quel sens tout cela a-t-il lorsque ça ne repose pas sur des échanges avec nos semblables sur place, sur leur vécu, sur leurs demandes, sur un travail commun pour une émancipation globale ?

Christian Mahieux

Cet article fait partie du dossier “Ukraine, de la guerre à la paix” dont vous pouvez retrouver l’intégralité en cliquant sur l’image à gauche.

La guerre déclenchée par l’armée russe en Ukraine n’a pas commencé le 24 février 2002 : elle dure depuis 2014, après que la Russie ait annexé la Crimée puis envahi le Donbass. 15 000 morts qu’on ne doit pas passer sous silence. La longue guerre de basse intensité qui s’en est suivie a largement modifié la vision des choses parmi la population ukrainienne.

La soi-disant « opération spéciale » n’a pas atteint ses objectifs. Poutine et ses généraux prévoyaient une victoire éclair et la mise en place d’un régime à son service. Sept mois plus tard, il n’en est rien. Des villes, des villages ont été détruits ; les morts se comptent en dizaines de milliers, de part et d’autre ; la population ukrainienne russophone, que l’armée russe prétend « sauver », est ciblée quotidiennement par ses roquettes ; mais l’Ukraine n’est pas sous la coupe du régime russe.

La Résistance populaire a largement contribué à cette situation. Sur le front, participant à la défense armée, nombreux sont les militants syndicalistes, associatifs, politiques, couvrant l’ensemble de « la gauche ukrainienne ». D’autres prennent part à la Résistance non armée, à travers le soutien financier et matériel, l’aide aux réfugié∙e.s, les liens internationalistes. Les groupes féministes sont particulièrement actifs. Pour autant, il n’est pas question de délivrer un blanc-seing au gouvernement Zelensky, auquel ils et elles s’affrontaient avant l’invasion russe ; d’autant que celui-ci a renforcé sa politique antisociale.

Les récentes réactions à la mobilisation partielle en Russie rappellent qu’une partie de la solution est aussi dans ce pays, avec celles et ceux qui refusent les diktats du régime. Le soutien à tous les réfractaires n’en n’est que plus important.

A propos de l’OTAN : si l’on se place dans une perspective de longue durée et qu’on regarde les trois dernières décennies, l’élargissement de l’OTAN constitue bien sûr un facteur structurant de la scène géopolitique dans cette région du monde. Et beaucoup de celles et ceux qui aujourd’hui veulent mettre sur un pied d’égalité Russie et OTAN dans les responsabilités de cette guerre n’étaient guère actifs à ce moment-là pour le désarmement, pour l’arrêt des ventes d’armes, pour la reconversion des industries guerrières, etc. … Sans revenir aux actions pour exiger la dissolution de l’OTAN et du Pacte de Varsovie.

Si l’on se concentre sur les dynamiques de la dernière décennie, c’est marginal pour comprendre le conflit russo-ukrainien, dont ce qui se passe aujourd’hui n’est pas une scène inaugurale mais une nouvelle phase. L’OTAN était, depuis au moins 2008, une question marginale et il était clair pour tout le monde, y compris pour le gouvernement russe, que l’Ukraine n’allait pas adhérer à cette alliance. D’ailleurs, le président russe a rapidement cessé de parler de l’OTAN, et a concentré tous ses efforts sur la nature « artificielle » de la nation ukrainienne. Il est clair qu’un des effets de cette guerre aura été de renforcer l’OTAN. La Finlande et la Suède ont rejoint cette alliance, et pourtant Poutine démantèle des postes militaires proches de la frontière finlandaise pour envoyer les effectifs et les équipements en Ukraine, dont la perspective d’adhésion à l’OTAN vient d’être rejetée pour une énième fois. Ce n’est pas le comportement de quelqu’un qui se sent menacé par l’OTAN. Enfin, ce n’est pas l’OTAN qui menace d’utiliser les armes nucléaires contre l’Ukraine.

En se prononçant contre le néocolonialisme occidental, Poutine prône le colonialisme classique, avec la répartition de zones d’influence entre les empires et la force brute, plutôt que des ruses idéologiques et des cooptations économiques, comme outil de gouvernance préféré. Une réussite de cette guerre coloniale encouragera d’autres forces impérialistes pour faire de même dans le monde entier.

Denis Gorbach, Christian Mahieux

Pour une information complète :

“Retrait immédiat et sans condition des troupes russes. Solidarité avec la résistance des ukrainien·nes” Dossier sur le blog Entre les lignes entre les mots.

Les 11 tomes parus à ce jour de “Soutien à la Résistance ukrainienne”.

Deux livres à paraitre :

Brigades éditoriales de solidarité, L’Ukraine insurgée, éditions Syllepse, 400 pages, octobre 2022.

C. Clément, D. Gorbach, H. Perekhoda, C. Samary, T. Wood, L’invasion de l’Ukraine, éditions La dispute, 240 pages, octobre 2022.

Enough is enought[1], tel est le nom de la campagne unitaire lancé mi-août. CWU, RMT et UCU[2] sont au cœur de cette dynamique. Il s’agit de gagner sur la question du coût de la vie, c’est-à-dire de la rémunération des travailleurs et travailleuses, des pensions des retraité∙es, des indemnités des personnes sans ressources… Bref, de faire payer les riches, les patrons, de remettre en cause l’exploitation capitaliste. Les grèves dans le secteur ferroviaire, organisées par RMT et TSSA[3], ont rythmé l’été social britannique. CWU a aussi appelé à plusieurs journées d’action, jusqu’aux grèves nationales étalées entre les 26, 27 et 30 août, selon les services. UCU, qui syndique le personnel des collèges et universités, a lancé la consultation légalement nécessaire au déclenchement de grève. Il y a aussi bien d’autres grèves locales. La presse a noté le renouveau des grèves outre-Manche (ce qui ne signifie pas qu’elles avaient disparu !), mais la volonté de rassembler les milieux syndicaux, associatifs, culturels, dans un mouvement social qui créé ainsi la politique est une nouveauté d’importance qu’il faut relever. Le secrétaire général de RMT, Michael Lynch l’a affirmé : « Nous ne pouvons pas attendre les politiciens, nous devons aller dans les quartiers et planter le drapeau syndical, rejoindre ces campagnes – nous ne voulons pas une seule fleur dans le jardin, nous voulons que tout le jardin soit florissant. […] Nous refusons d’être pauvres. » Et de conclure : « La classe ouvrière est de retour en tant que mouvement » (The working class is back as a movement).

Christian Mahieux


[1]  Littéralement : « Assez, c’est assez » ; en français, nous dirions « Trop, c’est trop ». Site de la campagne : « Nous disons “assez” »

[2]  Communication Workers Union (CWU) – National Union of Rail, Maritime and Transport Workers (RMT) – University and College Union (UCU).

[3]  Transport Salaried Staffs’ Association (TSSA).

Il y a moins d’un an, Boric remportait l’élection présidentielle, portée par une alliance comprenant les gauches communiste, chrétienne, libertaire, écologiste ou encore l’ex-présidente de « centre gauche » Bachelet. Il recueillait 4,6 millions de voix, soit 55,81% des suffrages valablement exprimés. Les 44,19% du candidat se revendiquant ouvertement de Pinochet montraient la radicalité de la bourgeoisie chilienne et de ses soutiens. 7 millions de personnes, près de la moitié du corps électoral, n’avaient pas participé au scrutin ; le vote n’était plus obligatoire au Chili depuis 2012.

Juste après cette élection, nous écrivions dans le numéro de janvier 2022 de Cerises1 : « Toujours en recherche d’idole, une partie de la gauche présente Boric comme le représentant de la révolte de 2019, son débouché politique en quelque sorte alors que le contenu de sa campagne électorale était de caractère social-démocrate. Rien n’est écrit à l’avance y compris le risque de tirer les mêmes bilans, dans quelques mois, que précédemment avec Tsipras, Iglesias et bien d’autres. Les classes populaires, les mouvements féministes et LGBTQI, ont permis à Boric de remporter l’élection. Pas tant par enthousiasme et soutien envers son programme social-démocrate, mais parce que c’était lui ou le pinochetisme. Boric président, cela représente un espace, un temps, pour continuer le mouvement social de 2019, cela permet notamment que le processus constituant puisse aller à son terme. Encore faut-il que celui-ci n’échappe pas à la population. En matière de solidarité internationaliste, plutôt que de nous en remettre seulement à UN président soutenons LES mouvements syndicaux, féministes, LGBTQUI, Mapuches, étudiants, etc. »

Qu’en est-il quelques mois plus tard, notamment à l’aune du referendum sur l’approbation ou non d’une nouvelle Constitution ? Celle-ci a été rejetée par 7,8 millions de voix contre ; il y a eu 4,8 millions de voix pour. Le vote était redevenu obligatoire : l’immense majorité des personnes qui n’avait pas participé au scrutin des présidentielles, sommée cette fois de participer, a voté pour que rien ne change. Celles et ceux qui souhaitaient la mise en place de la nouvelle constitution représentent sensiblement le même nombre de voix que celles recueillis par Boric lors du deuxième tour des élections présidentielles.

D’où venait ce projet de nouvelle constitution ? En 2019, suite aux augmentation de prix de services publics, un vaste et profond mouvement a secoué le Chili. Malgré une violente répression (28.000 personnes ont été détenues entre le 18 octobre et le 6 décembre 2019), le mouvement social a tenu bon et créé une crise politique qui se résolu dans le processus de nouvelle Constituante, rompant avec celle héritée de la période Pinochet. Des élections furent organisées en 2021, afin d’élire une Assemblée chargée de rédiger la nouvelle Constitution. 80 % des votantes et votants approuvèrent le processus. Parmi les 155 constituant∙es, il y avait des féministes, des écologistes, des militant∙es de mouvements sociaux et des représentant∙es des Amérindien∙nes.

Pourquoi ce choix du statu quo ? On a mentionné plus haut le vote obligatoire ; bien entendu, il y a d’autres explications. Franck Gaudichaud indique « Il y a aussi tout un travail d’explication de ce qu’est la convention constitutionnelle qui n’est pas arrivé jusqu’au bas de la société. Toutes les discussions sur les avancées possibles, sur la sécurité sociale, les droits fondamentaux, le retour de l’eau comme bien public, sont restées dans les hautes sphères de la société. ». Certes, mais au-delà du déficit d’explication, ce sont les choix politiques qu’il faut interroger. Pablo Abufom, militant chilien de Solidaridad et éditeur de Revista Posiciones2, écrivait le 21 décembre 2021 : « […] le nouveau gouvernement devra répondre à deux demandes urgentes de secteurs qui n’appartiennent pas à sa coalition, mais qui l’ont soutenu au second tour. La liberté des prisonniers politiques mapuches et de la révolte, et le droit à un avortement libre, légal, sûr et gratuit. […] Il devient donc inévitable que les diverses forces politiques et sociales, à l’intérieur et à l’extérieur de la Convention constitutionnelle, se rencontrent dans une alliance qui rassemble les mouvements qui ont soutenu les mobilisations féministes, étudiantes, territoriales et syndicales de ces dernières décennies, et qui intègre l’archipel de la gauche radicale dans une activité de masse qui convertit son potentiel militant, qui a tant contribué à ces mêmes mouvements sociaux, en capacité politique du peuple et pas seulement de petits groupes. Cette alliance populaire aura une tâche difficile : affronter la nouvelle droite radicalisée et son désir de revanche antipopulaire. Cette confrontation aura lieu dans les rues et s’appuiera sur les leçons d’autodéfense apprises il y a plusieurs décennies, et plus récemment pendant la révolte. Mais la manière la plus durable de stopper l’ultra-droite est de gagner sa base populaire potentielle à un projet de transformation anticapitaliste et féministe, et cela passe par la conquête de meilleures conditions de vie et de lutte, en bloquant la voie à l’offre d’une sortie de crise conservatrice. Le fascisme est également combattu sur le terrain de la vie quotidienne de la classe ouvrière plurinationale au Chili. Mais surtout, cette confluence politique et sociale a la possibilité de devenir la force qui donnera un appui territorial à la rédaction et à l’approbation de la nouvelle Constitution lors du plébiscite de sortie en 2022, et qui pourra corriger les vacillations du nouveau gouvernement aux moments cruciaux de la réalisation du programme. Avec un Congrès bloqué, sans majorité claire, ce qui fera pencher la balance à ces moments-là sera, comme dimanche dernier, la mobilisation populaire. L’indépendance politique et l’orientation programmatique de cette mobilisation seront la clé de ce nouveau cycle. »

La militarisation de territoires mapuches et l’emprisonnement de militants illustrent à quel point ce qui était proposé là n’a pas été réalisé. La mobilisation du camp réactionnaire a aussi compté, mais pouvait-on penser qu’il allait rester l’arme au pied ? Un changement constitutionnel relève d’un affrontement social qui nécessite une mobilisation et une participation extra-parlementaire, sous peine d’un isolement social mortifère qui conduit à la défaite. Terminons par ce témoignage des camarades du syndicat du Métro de Santiago, membre de la Federación de Sindicatos de Metro S.A., le 7 septembre : « Depuis hier, les lycéens ont entamé un processus de mobilisation, qui a été réprimé par les forces de police. Dans le même temps, le gouvernement a annoncé son premier changement de cabinet en raison de la défaite dans les urnes, prenant un virage vers le centre en intégrant les acteurs de l’ancienne concertation.La raison pour laquelle les lycéens et étudiants manifestent est le refus qu’un panel d’experts soit chargé de rédiger la nouvelle proposition de Constitution ; c’est pourquoi ils et elles veulent une Assemblée constituante.La stratégie adoptée par ces jeunes est celle qu’ils et elles ont utilisée en 2019 lors de l’augmentation du tarif du métro : s’asseoir sur le quai des stations de métro en perturbant la continuité du service, en fermant des stations et en générant des coupures dans les lignes. La réponse du gouvernement, en accord avec la direction du Métro, a été l’entrée de forces de police armées, la répression envers les étudiants mais aussi tous les passagers, en lançant sans discernement des bombes lacrymogènes dans les stations, ainsi que par des agressions violentes contre les mineurs et les personnes qui défendaient les jeunes. »

Christian Mahieux

1 Henri Mermé, Christian Mahieux, « Chili : défaite du candidat pinochiste à l’élection présidentielle », Cerises n°32 de janvier 2022.

2 www.revistaposiciones.cl

Le 18 juin, la confédération syndicale britannique (TUC[1]) organisait une manifestation rassemblant des dizaines de milliers de personnes. Dans la foulée, le 21 juin, démarrait la grève des travailleurs et travailleuses du rail, à l’appel de RMT[2] ; une grève massive, portant sur les salaires, les conditions de travail et les menaces de licenciement. La Banque d’Angleterre annonce 11% d’inflation pour cette automne 2022 (9% en 2011). L’exigence de revalorisation importante des salaires est primordiale. Pour ce qui est des conditions de travail des cheminotes et cheminots, en Angleterre comme ailleurs, les réactionnaires de toutes sortes (ministres, politiciens, éditorialistes, etc.) racontent n’importe quoi ; sans rapport avec la réalité vécue par celles et ceux qui font fonctionner le chemin de fer 365 jours sur 365, 24 heures sur 24, souvent dans des conditions de sécurité loin d’être optimales. Quant aux menaces de licenciements, elles sont brandies par les entreprises privées qui se partagent le réseau. Réseau qui, comme dans bien des pays, a été construit par les cheminotes et les cheminots et avec l’argent public ! Les droits liés à la retraite, le refus des fermetures de guichets et de gares sont aussi parmi les revendications. Bien des similitudes avec ce qu’on connait dans d’autres pays, dont la France. C’est ce que relèvent les fédérations CGT et SUD-Rail qui appellent ici à la grève le 6 juillet, ou les organisations du Réseau syndical international de solidarité et de luttes qui soutiennent le mouvement lancé par RMT[3].

Christian Mahieux


[1] Trades Union Congress.

[2] National Union of Rail, Maritime and Transport Workers.

[3] www.laboursolidarity.org/Solidarite-avec-les-cheminots-et

« L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » : Marx ? Engels ? L’Association internationale des travailleurs ? Et pourquoi ne se souvient-on pas que, plusieurs années avant cela, c’est Flora Tristan qui écrivait Union ouvrière, manifeste politique d’une femme qui ne dissocie pas la lutte des femmes de la lutte ouvrière et intègre tous et toutes les prolétaires, sans distinction de nationalité ni de sexe. Personne avant elle n’avait associé la libération des femmes à celle du prolétariat dans son ensemble ; qui plus est dans une démarche pleinement internationaliste. Avec cette biographie, Olivier Gaudefroy nous propose de découvrir la vie de Flora Tristan. Sa jeunesse, son mariage et la violence dont elle est victime, son départ vers le Pérou pour connaître ses racines, et bien sûr ses combats socialistes et féministes, féministes et socialistes. Se définissant elle-même comme une exclue, une paria, parce que fille « illégitime », elle comprend rapidement que l’émancipation sociale passe par la construction d’une organisation ouvrière autonome, indépendante, et qui ne peut faire l’impasse d’une lutte anti patriarcale. Flora Tristan, une vie, une actualité…

Christian Mahieux

Flora Tristan. Une insoumise sous le règne de Louis-Philippe, Olivier Gaudefroy, Éditions Syllepse, 128 pages, 9 euros, 2022.

« Nous ne pouvons pas nous attendre à des résultats différents en faisant toujours la même chose »

C’est ce que disait Gabriel Boric, avant de se faire élire à la présidence de la république chilienne. Une partie des mouvements sociaux chiliens avait placé ses espoirs d’émancipation sociale dans cette élection. Certes, celle-ci a permis d’éviter le retour de l’extrême droite au pouvoir, ce qui n’est pas rien. Mais, comme d’habitude, pour ce qui est d’une rupture avec le système en place, il s’avère que les institutions du dit système ne sont pas un outil adéquat ! C’est ainsi que ce «  président-de-gauche » a décrété l’état d’urgence dans le sud du pays, là où les communautés Mapuches exigent toujours la restitution des terres aux peuples autochtones, l’arrêt du pillage des ressources naturelles et de la destruction des forêts. Moins de deux mois après sa prise de fonction, Boric renoue avec une des pratiques répressives de son prédécesseur. Le contre-amiral Jorge Parga pour les provinces de Biobío et d’Arauco, le général de brigade Edward Slater pour la région de La Araaucanía, ont été chargés de faire régner « l’ordre ». Police et armée quadrillent ces territoires et « contrôlent » la population. « La résistance n’est pas du terrorisme, liberté pour les prisonniers politiques mapuches » affirment les habitantes et habitants du territoire une nouvelle fois militairement occupé.

Christian Mahieux

Lire l’ensemble du dossier

Le dossier du mois traite des possibles germes d’une renaissance de la gauche. Mais de quelle gauche parle-t-on ? S’agit-il de croire à la xième tentative social-démocrate dont l’objectif premier demeure de gagner les prochaines élections dans le cadre institutionnel actuel ? Ou parle-t-on de la gauche sociale, de la gauche qui agit directement dans les entreprises et les services, de la gauche qui est au cœur des grèves de travailleurs et travailleuses sans-papiers, de la gauche qui participe à l’auto-organisation de territoires, donc de cette gauche qui, elle-même, ne se définit pas forcément par ce terme ?

Et si l’espoir venait du mouvement syndical ? Du congrès de l’Union syndicale Solidaires à celui de la FSU, en passant par les déclarations du secrétaire général de la CGT, la question de l’unification syndicale est régulièrement pointée, comme jamais depuis bien longtemps. Dans quelques secteurs, par exemple celui de l’éducation, elle se traduit par des travaux fédéraux communs concrets. Bien des écueils sont à éviter. Le premier risque est de circonscrire ces discussions aux équipes militantes nationales. Ce serait faire preuve de naïveté, que de penser que l’aspiration à l’unité syndicale, à l’unification du syndicalisme de luttes, est discutée aujourd’hui dans de nombreuses sections syndicales. On s’y réfère et/ou on l’appelle de ses vœux, mais concrètement ?

C’est à cela qu’il faut travailler sans tarder : l’unification comment ? Quiconque prétend l’organiser par le ralliement à son organisation actuellement existante décide, en réalité, de ne pas la rendre possible. Comme le firent certaines fédérations CGT et CGTU avant la réunification confédérale de mars 1936, sans doute faut-il d’abord inventer un fonctionnement novateur ; par exemple, par la création de nouveaux syndicats unitaires, unifiés, tout en laissant fonctionner quelques temps les actuelles structures CGT, FSU, Solidaires, CNT-SO, etc., avec en première étape une double appartenance possible, le temps que la confiance s’installe à travers la pratique quotidienne. Mais s’unifier pour uniquement additionner ses faiblesses serait, de fait, renoncer à peser plus fort dans le rapport de force, ne guère avancer vers l’émancipation sociale. Au-delà de l’unification se pose la question des pratiques, des contours du syndicalisme. Pour donner du souffle à la démarche vers l’unification, celle-ci doit être couplée à de profonds bouleversements : une vraie priorité aux collectifs syndicaux interprofessionnels locaux, la prise en compte des mouvements sociaux au sein du syndicalisme, l’ouverture vers l’ensemble des travailleuses et des travailleurs y compris celles et ceux aujourd’hui en marge du salariat ; voilà trois axes forts.

Mais quel rapport avec la Gauche ? Presqu’aucun, s’il s’agit de ne parler que des groupes en compétition pour les prochaines échéances électorales propres à la démocratie bourgeoise, massivement déconsidérée et qui n’a jamais eu pour horizon l’autogestion, l’autonomie de la classe sociale des productrices et producteurs. Au contraire, le rapport est direct si le propos est de savoir comment (re)construire le chemin vers l’émancipation sociale.

Christian Mahieux

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