Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Echanges entre rédacteurs…

en attendant que commence la réunion du lundi

Il arrive que les rédacteurs de Cerises la coopérative parlent d’autre chose que de politique internationale, des derniers méfaits de Macron, du meilleur moyen d’atteindre quelque horizon d’émancipation. Exemples avec Christian, Patrick et Pierre…

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Christian Mahieux

Miroir du Tour, Miroir du cyclisme

Bimestriel créé en janvier 1960, Miroir du cyclisme sera mensuel de janvier 1961 à mars 1994. Les années 60 sont celles de la multiplication des titres spécialisés (il y a aussi Miroir du football, Miroir de l’athlétisme et Miroir du rugby) prolongeant l’historique (depuis 1946) omnisports Miroir Sprint. Tous ces titres font partie de la galaxie des éditions « proches du PCF », comme il était de coutume de dire ; il s’agit alors des éditions J, émanation du mouvement de Résistance Forces unies de la jeunesse patriotique. L’ancêtre des Miroirs est directement lié au Tour de France : chaque été depuis 1947, Miroir Sprint faisait paraître des numéros spéciaux sous le nom de Miroir du Tour.

L’influence du Parti se fait sentir à travers des choix éditoriaux : Les courses qui se déroulent dans « les pays de l’Est » sont suivies comme dans aucun autre magazine sportif français, et chaque année, la Course de la Paix (Berlin/Prague/Varsovie) fait l’objet d’une attention particulière ; autres particularités par rapport aux magazines parlant de cyclisme, l’implication dans des campagnes pour une extension du réseau de pistes cyclables, la place donné au cyclisme féminin ou au cyclotourisme. A la fin des années 70, le titre est intégré aux éditions Vaillant, et voit son autonomie éditoriale et financière réduite. Pour « vendre », le rédactionnel cède une place de plus en plus importante aux photos, aux posters… Si la crise est plus nette et politiquement assumée au sein du Miroir du football[1], la reprise en mains opérée par le PCF a aussi des conséquences au Miroir du cyclisme. Plusieurs des créateurs quittent le magazine. En 1986, une nouvelle étape est franchie, avec l’intégration aux éditions Messidor ; de nouveaux départs ont lieu. En 1992, Miroir du cyclisme devient la propriété du groupe Scanéditions, qui fait faillite en 1994.


[1]           Voir François Thébaud, Le temps du Miroir, une autre idée du football et du journalisme, éditions Albatros, 1982 ; l’auteur y raconte, textes à l’appui, l’affrontement entre l’équipe de journalistes/footballeurs de ce Miroir et la direction du PCF à travers Maurice Vidal et Jean-Jacques Faure. De François Thébaud également : Coupe du monde, un miroir du siècle (1904-1998), éditions Syllepse, à paraître en octobre 2022.


Patrick Vassallo

Arriver, y arriver

Dans le bourg, on le connaissait l’Antoine ; tout jeunot déjà il courait la campagne avec son Mercier. Le Vélo club en était fier. On allait en délégation tous les ans au vélodrome du chef-lieu pour l’encourager. Avec la majorette et l’informaticien c’étaient les fiertés du pays.

Mais il fallait y arriver. C’est dur le cyclisme. Exigeant. Pas facile de faire la fête avec les potes. De boire un coup après le boulot. À 30 km quand même.  À vélo hiver comme été et il fallait arriver à l’heure. Le patron attendait la production, pas les dossards !

L’Antoine, il avait une petite vapeur parfois. Du mou dans les genoux. Y arriver. Tenir. Serrer les dents. Dimanche, il fallait au moins finir placé.

La première fois, il avait juste pris un médoc. Un fortifiant. Avec un peu de compléments alimentaires et de la phytothérapie. Rien de méchant. Le pharmacien lui avait dit : abuse pas , hein !

Mais quand Maryse l’avait quitté, le coup de barre a duré. Il a cherché sur Internet. Et puis trouvé un ou deux conseils. L’entraîneur a bien vu… Compris… Mais la victoire est au bout du coup de nerf !

Un petit cocktail de veau, belge juste un peu. Y arriver.

Dix années plus tard, il ne courrait plus qu’à l’occasion, il avait pris du poids et peinait dans les côtes.

Quand on lui a trouvé une drôle d’infection, personne n’a voulu regarder comment il avait gagné tant de courses et ce que valaient les bouquets collectionnés sur les podiums.

Au boulot, il n’avait pas pu passer maîtrise. « Trop d’absences », lui a dit le chef.

Les victoires ont parfois un goût amer.


Pierre Zarka

Une épopée populaire

Le Tour répond à quelque chose de profond dans le mental collectif.

On y trouve les ingrédients de la chevalerie, des films de cape et d’épée ou du western. C’est l’épopée qui passe dans son « pays ». Pas de terrain particulier : la route et nos paysages.  « Échappées », « poursuite » et le suspens : qui va arracher le maillot ? Dépassement de soi, prouesses : des termes qui renvoient aux récits d’aventure. Des rebondissements des coalitions, des accidents et la route, la météo qui jouent leur partition (autrefois les passages à niveau). Suivre l’effort voire la souffrance par laquelle il faut passer (ça dure tous les jours) projette le monde du travail vers une magnificence. Il fut un temps où le Tour était sujet de BD ; on attendait avec impatience la suite la semaine suivante. En 1976, Eddy Merckx interrogé sur la dureté du Tour, répondit : « c’est dur mais moins que si je devais descendre à la mine ». Le Tour a longtemps été le fait de héros issus du monde ouvrier et paysan. Ils savaient souffrir pour s’en sortir. Signe des temps et de l’évolution de la société : désormais les femmes accèdent à cette noblesse. Le tour a perdu son machisme.

Photo Miroir Sprint

Patrick Vassallo

Au Tour le patrimoine !

Évènement particulièrement populaire, la foule se presse au bord des routes, au village étape mais aussi devant les écrans de télévision. 

Si quelques villes sont des classiques de départ ou d’arrivée, nombre d’autres, à des coûts parfois faramineux, se font connaître à cette occasion. Qui connaîtrait la station d’Orcières-Merlette sans son arrivée en altitude et l’exploit d’Hinault ? La Joue plane, Aremberg, Castelnau-Magnoac , Hautacam, ….

Être ville étape, ne serait-ce que de départ est un coup de pouce indéniable à l’attractivité du site, la venue de touristes (qui restent parfois plusieurs jours), bref un gros coup de pub ! Occasion donc de découvrir un patrimoine local, de valoriser une rénovation, des savoir-faire locaux, l’ouverture d’un nouvel équipement. La propriété d’un château aquitain par la famille royale danoise « justifie » le départ au Danemark du Tour 2022. Et bien des communes et équipements n’hésitent pas à valoriser le passage du Tour, des années après, parfois.

La retransmission télé intègre depuis des décennies des « focus » sur les curiosités à proximité desquelles passent les coureurs et la caravane. Des pointures, radio à l’origine, ont ainsi permis de « découvrir » un grand nombre de sites, faisant ainsi, images télé à l’appui, même furtives, œuvre mémorielle. Le reportage sur le Tour devient ainsi un moment aussi où l’on découvre nos terroirs, pas seulement la caravane commerciale des sponsors….

D’autres tours et télévisions ont suivi ce regard du Tour de France.

Tous les commentateurs et journalistes n’ont pas l’érudition de Jean-René Godard mais les transmissions du Giro, du Tour de Pologne ou de Suisse permettent de découvrir des patrimoines , en plus des paysages.

L’œil averti prendra ainsi la mesure de l’impact humain sur la géographie et l’histoire des pays traversés. Le Tour, exploit sportif, foire marchande, est aussi un serpent vivant qui traverse des activités humaines. D’une sueur à l’autre, l’action humaine d’étape en étape….

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