Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Un lycée ? Des identités, les archives …

Depuis le mois de mars sur les grilles d’enceinte des Archives nationales à Pierrefitte sont accrochés des portraits d’adolescent·e·s accompagnés de textes, d’une exposition photo, aboutissement du travail d’une classe d’élèves de seconde et de leurs enseignantes sous la houlette bienveillante de la photographe Anna Rouker et de l’écrivaine Françoise Henry.


Accueilli·e·s aux archives, les élèves ont les yeux qui brillent quand Annick Pégeon leur ouvre les portes des “magasins”, leur montre – ici on touche avec les yeux – des cartes anciennes, un billet jeté de la fenêtre d’un train de déporté·e·s signé des sœurs Alizon, seule l’une d’elle reviendra, ou l’album photo d’un appelé du contingent émerveillé de découvrir Alger la blanche. 

Des ego-documents. 

-”On a ça aux archives?” “Mais pourquoi on garde ça?”

Le travail sur ces objets, travail graphique aussi bien qu’écrit, prépare chacun·e  à une plongée dans son histoire. 

Chacun·e est donc, ensuite, parti·e à la recherche de l’Objet, celui qui sera digne d’être distingué, montré pour ne pas être oublié, archivé.

Pour cela, il a fallu accepter de se prendre au sérieux. Première étape plus ou moins longue quand on a “rien à montrer”, rien qui vaille les merveilles que les autres présentent en tous cas. 

-”J’ai rien chez moi, madame.” 

-”Ah oui vraiment? rien?”

Alors on cherche, on enquête, on pose des questions et du rien de départ, on arrive à quelque chose, et c’est tout cela le travail.

Kelly n’avait rien, pensait-elle, alors, provocatrice, elle a sorti de son sac un trousseau de clés, celui de son appartement. Rien. Mais nous avons décidé de prendre cette proposition sérieusement, après tout des clés ce n’est pas rien. 

Benjamin Stora y a même consacré un livre, Les clés retrouvées, celles de l’appartement de Constantine quitté un jour de 1962, et Alice Zeniter aussi dans L’art de perdre, évoque les clés du portail de la maison du bled conservées précieusement  dans un appartement HLM à Flers, loin pourtant des montagnes de Kabylie. 

Alors, des clés de l’appartement de Kelly nous en sommes venues à d’autres, celles de la maison de Pointe Noire que ses parents ont construite, et qu’ils ont perdues. Parce que c’est ce qu’il advient parfois des maisons de la diaspora dont d’autres, ceux qui sont restés, profitent.


Ici, comme ailleurs, les clés de Pointe Noire, les photographies de la famille restée au Pakistan et la calebasse du Mali côtoient un cadre peint à l’école pour la fête des mères, une montre de pacotille d’une chambre d’enfant, un harmonica gagné à la fête foraine, une pierre volcanique ramassée lors d’un voyage scolaire ; et cette galerie d’objets, de parcours, de récits, rappelle, s’il en était besoin, que les enfants de Saint-Denis, qui viennent parfois de loin, qui, parfois, naviguent entre plusieurs cultures et langues, sont aussi des enfants, tout simplement, des enfants de France. A Saint-Denis on continue d’arriver, on s’installe avec ses souvenirs et son histoire et on construit un présent pour ses enfants, dans l’école de la République aux ambitions les plus belles.

Du plus banal ou plus poignant, ces récits soutiennent la construction de chacun·e de ces ados et sont un puissant levier d’émancipation de tous·tes.

Et sur les grilles des Archives nationales, chacun·e nous invite à penser les archives comme le lieu de la nation vivante, gardiennes de notre histoire à tou·te·s.

Camille Taillefer

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