Notes d'actu.

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Birmanie : l’autre guerre

Le 1er février 2021, l’armée birmane s’est emparée du pouvoir, clôturant 10 années de démocratie relative. Dans un premier temps, un vaste mouvement de désobéissance civile se développe (manifestations, grèves dans les entreprises…) avec comme toujours la puissance de l’imaginativité d’un mouvement populaire. Exemples : pour soutenir les travailleurs, une caisse de grève est alimentée par une loterie clandestine, la société birmane officielle des jeux ne vend plus un seul billet. L’armée détient la plus fameuse entreprise de bière ; ses bouteilles sont boycottées, la société annonce sa faillite. Mais les manifestations pacifiques massives contre la nouvelle junte militaire en place  sont sévèrement réprimées. Cette sanglante répression n’a pas laissé de choix à l’opposition qui s’oriente alors vers la résistance armée en liaison avec certaines guérillas ethniques installées de longue date. La Birmanie ou Myanmar (55 millions d’habitants) compte en effet 130 minorités ethniques avec leurs langues et leurs cultures propres qui ont été historiquement opprimées par les pouvoirs centraux et ont développé leur propre instrument militaire de résistance. À la suite du coup d’État, un gouvernement d’unité nationale en exil s’est formé qui organise la résistance, y compris armée, à la junte et se prononce en juin dernier pour une « Union fédérale et démocratique… où les différents groupes ethniques appartenant au pays puissent vivre en paix… Les individus membres des différents groupes ethniques natifs de l’Union doivent pouvoir jouir pleinement des droits individuels qui sont la prérogative de chaque individu et des droits collectifs qui sont les droits des groupes ethniques». Une rupture avec la conception « jacobine » qui dominait dans l’opposition. Ce même gouvernement en exil se déclare également en juin 2021 « parfaitement conscient des violences et des flagrantes violations des droits humains infligées aux Rohingyas » et promet réparations.  Ces prises de position sont essentielles pour un dénouement démocratique car elles rompent avec les ambiguïtés voir la culpabilité de Aung San Suu Kyi dans la persécution et massacres des Rohingyas, mais qui reste, cependant, pour de nombreux Birmans une icône de la résistance.

Depuis le coup d’État, plus de 2 000  personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées et au moins 12 800 emprisonnées. Des villages sont bombardés, des opposants torturés. Le bilan s’alourdit de jour en jour. L’armée a également subi de lourdes pertes. Des officiels du régime sont abattus.

Le mois dernier des Birmans se sont rassemblés pour soutenir l’Ukraine. Comme leurs frères et sœurs syriens, ils dénonçaient « le même tueur » : la Russie qui soutient activement la junte, comme la Chine et la Serbie, et lui fournit son armement (avions de combat, missiles, obus et autres munitions.). Le 28 février dernier, quatre jours après l’agression russe, un représentant du membre du Comité de grève du mouvement démocratique (Dawei), déclarait  dans une vidéo « Nous nous inspirons de la guerre de l’Ukraine pour la défense de la démocratie. Comme eux, la révolution du printemps du Myanmar [Birmanie] continuera à se battre pour notre liberté jusqu’à ce que nous gagnions ». Derrière lui, un groupe de jeunes militants tenait des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Gloire à l’Ukraine » et « Poutine doit échouer ».

Patrick Le Tréhondat

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