Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Affirmation de soi et quête de commun

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Les questions d’identité, de reconnaissance renvoient plus largement à un fondement du « faire société » : quel respect de la (des) personne(s) et du (des) collectifs à partir desquels on peut construire du commun?  

Pour Pierre, chaque mouvement qu’on appelle social est en même temps le moyen pour les participants de faire reconnaître leur identité sociale :  les femmes, les migrants, les salariés d’une entreprise, les habitants de pratiques alternatives, nombre d’activistes écologiques, des militants anticapitalistes… Or parallèlement selon lui, le système politique dans lequel on vit est mort, pas seulement parce que plus de 14 millions de personnes se sont abstenus ou ont voté  blancs ou nuls au premier tour.  Mais parce qu’à la différence des années soixante, l’identité sociale ne trouve pas son expression politique.

L’hypothèse que fait Pierre est que le champ politique défini par les partis n’offre plus le moyen d’être. Selon lui,  la recherche de radicalité n’exprime pas seulement un choix politique mais une affirmation de soi, de son identité de classe. Comment alors cette quête de reconnaissance de soi pourrait se faire reconnaître ? Comment faire que l’identité de classe passe au politique ?

Identité ou intérêt commun ?

Selon Bakoly, les dominations entravent les personnes moins rodées aux organisations, les femmes ou les personnes racisées en particulier, lesquelles organisations sont sur de vieux schémas et sont dépassées.  Elle réagit à propos du concept d’identité.  « Je le comprends et en même temps je ne peux pas l’accepter dans des termes politiques. Il a été exposé que l’on s’identifie au mouvement dans lequel on est et du coup je ne sais pas où est passé le concept d’intérêt. Comment défendre ses intérêts ? Comment au sein d’un groupe a-t-on des intérêts communs ? Peut-être qu’il y a une identité commune derrière mais  il s’agit plutôt de se reconnaître comme un mouvement qui a des intérêts communs. Il est vrai que dans le milieu militant d’aujourd’hui le concept d’identité est beaucoup plus développé. Les combats qui ont été développés dans le mouvement féministe, par exemple, sur l’analyse des dominations racistes, dans une militance assez récente et toutes les études féministes partant de la militance anti-raciste interrogent aussi les identités. En fait d’où on parle pour moi c’est très marxiste, très matérialiste, le -d’où on parle- n’est pas forcément identitaire ».

Pour éviter tout malentendu, Pierre revient sur le concept :  lorsqu’il parle « d’identité » c’est pour lui exactement ce que dit Bakoly lorsqu’elle insiste sur « d’où on parle ».

Vincent est enseignant. « Je suis confronté à des lycéens de centre-ville qui ont des problèmes existentiels tout à fait justifiés, majeurs face à l’avenir ; quel est le monde qu’on veut avoir, est-ce que ça vaut le coup de faire des enfants dans ce monde, c’est ça les problèmes qui se posent à nos élèves et, à un moment ou un autre, ça doit se traduire sous une forme d’intervention politique active. Je pense que le devoir, enfin la méthode la plus importante pour des militants comme nous, c’est d’apprendre à laisser parler les gens à les écouter, à faire qu’ils écoutent et qu’il en sorte quelque chose. On peut avoir des mouvements sociaux réussis quand ça démarre de cette façon-là et quand les gens mobilisés produisent eux-mêmes leurs propres actions ».

Pour Catherine des luttes antiracistes, décoloniales, ou féministes ont échoué quand elles étaient seulement idéologiques, elles semblent mieux réussies aujourd’hui où elles sont portées par la quête d’identité des personnes concernées. « J’ai bataillé pendant 30 ans au sein du PCF pour que le parti décrète l’esclavage comme un crime contre l’humanité,  et j’ai échoué… Et voilà qu’il se passe des choses intéressantes en1998 : un petit groupe d’antillais cherchent à retrouver le nom qui leur a été donné au moment de l’abolition. Ce mouvement est parti de la tentative de retrouver l’origine du nom de chacun de nous. J’ai toujours conservé cette image : ce qui était complètement impossible dans mon parti est devenu possible parce que les gens se sont préoccupés de leur identité et cela passait par le fait de mettre à jour cette question de l’esclavage ».

De même sur la question du foulard :  « Je me suis faite incendier dans mon parti à l’époque, quand j’affirmais qu’il fallait laisser aux femmes le droit de mettre ce qu’elle voulait sur leur dos et sur leur tête et qu’on n’avait pas à leur expliquer ce qu’elles devaient faire. Elles ont en partie gagné, elles créent des organisations de femmes voilées qui entendent être féministes, qui entendent se battre y compris pour leurs enfants à l’école du quartier … je suis absolument convaincue de la nécessité de parler pour soi et son identité pour entrer en bataille contre ce qui nous empêche d’être nous-même » .

Identité et communauté

Jean évoque l’appartenance de classe, de territoire, l’appartenance, syndicale, salariale, ainsi ses grands-parents ont fait toute leur vie dans une seule ville, et étaient attachés à une communauté. Aujourd’hui, dit Jean «  le néolibéralisme nous éclate entre individus, il va jusque dans nos corps pour immiscer des vaccins et des formes de pass, et de ce qu’on voudra, en tous cas, jusqu’à la transformation de la compétitivité permanente entre individus. C’est-à-dire qu’on crée les individus qui doivent s’adapter en supposant que les surnuméraires sont des espèces de rejetons du système, ils suivront pour ceux qui peuvent et les autres ne suivront pas ». Aussi Jean soutient tous les mouvements des personnes racisé.es, des LGBT, des femmes… mais s’interroge. « Comment peut-on donner une envie séduisante de lutte qui fasse corps tous ensemble, en fait, qui fasse mouvement ensemble ? » .

Pour Martin, l’atout des Gilets Jaunes, c’est qu’au départ, ils n’étaient pas politisés. « Ce qui était possible avec les Gilets Jaunes qui se sont d’abord rassemblés contre quelque chose et qu’ils ont fini par politiser leurs mouvements en proposant des choses comme le RIC, pour moi ils ont réussi ça, parce que c’était des gens qui n’étaient pas politisés ».

Politisés au sens politiciens sans doute… mais peut-on dire que les Gilets Jaunes n’étaient pas politisés quand leur cible se concentrait sur Macron ?

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