Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Services publics, passer à l’offensive

A quelle conception de la société correspondent les services publics ? Ni marchandises, ni espaces de rendement financier, il s’agit d’assurer à l’ensemble de la société des services essentiels comme la santé, l’éducation, la communication, la justice, les transports en commun, l’énergie, l’eau, le logement, l’éclairage etc…

Les services publics sont un signe d’égalité, chacun.e doit pouvoir y accéder sans conditions de revenus. La gratuité en est une marque de fabrique.

Depuis des années les services publics sont malmenés tant le système capitaliste a besoin de conquérir de nouveaux marchés pour sa survie et a besoin de la manne des fonds publics pour se financer. Pourtant les luttes qui y sont menées sont loin d’être toutes victorieuses.

Passer à l’offensive devient donc incontournable, on ne peut plus en rester à la seule défense des acquis.


Services publics, comment reprendre la main ?

Une conflictualité sociale forte continue de traverser les services publics. Dans le domaine de la santé, les soignant.es au bord de l’épuisement mènent le combat pour avoir les moyens d’accomplir leur mission. Ils et elles sont soutenu.es par la majorité de la population. Et pourtant ils et elles ne gagnent pas.

Une grève majoritairement suivie par les enseignant.es a marqué la rentrée de janvier. Mais depuis des années la part des dépenses consacrées à l’Éducation continue de baisser proportionnellement aux richesses créées dans le pays.  Et les inégalités se creusent.

Nous avons donc posé deux axes de questionnement auxquels plusieurs acteurs et actrices des mouvement sociaux des services publics ont bien voulu répondre, ainsi que plusieurs membres de l’équipe de rédaction.

  1. Voulons-nous une société où chacun, chacune est livré.e à lui-même ou elle-même ? Ou voulons-nous une société de la mise en commun à partir des besoins essentiels ? Santé, éducation, transports, justice, énergie, eau, communication, logement… le périmètre doit faire l’objet d’un débat public. Permettre l’accès de toutes et tous à égalité à un bien commun implique de sortir du marché, de la concurrence, de se débarrasser des parasites tels les actionnaires. Marché et services publics sont incompatibles. Pour répondre aux enjeux sociaux et écologiques, les Services Publics ne sont-ils pas  essentiels ?
  1. Service public ne se confond pas avec Étatisation. L’État n’est pas le garant d’un bon fonctionnement des Services Publics, nous en faisons tous les jours l’expérience. Pour autant, l’autogestion à une grande échelle est-elle possible ? Comment articuler démocratie à l’échelle locale et à l’échelle nationale voire européenne ? Comment usagers et salariés peuvent-ils faire démocratie ensemble au sein des Services publics ? Comment les SCOP qui se développent là où la logique de rentabilité a conduit l’État à abandonner une partie de la mission de service public, peuvent-elles permettre de redéfinir une nouvelle vision des SP ?

Pour changer le rapport de force, Pierre Zarka et Patrick Vassallo insistent sur la nécessité de réaffirmer les fondements des Services publics. Sylvie Larue s’y emploie pour l’école. Olivier Frachon nous invite à réfléchir à l’articulation des différents niveaux de démocratie dans les services publics, ce qu’illustre Karine Granger dans le champ de l’électricité. Avec la loi Rilhac, Martine Derrien nous montre comment le gouvernement actuel s’emploie à casser les derniers espaces démocratiques de l’école.

Christian Mahieux interroge le périmètre des Services publics et le rapport à l’État, comme Jean Lafont qui nous invite à penser les services publics comme des communs. Centre mutualiste à la Ciotat, Coopérative d’électricité au Mexique, Coopérative ferroviaire en France, Enercoop, d’autres voies existent pour défendre l’idée de service public, Marianne Coudroy, Patrick Le Tréhondat, Alexandra Debaisieux, François Longérinas nous parlent d’expériences stimulantes de coopératives qui permettent d’envisager sous un autre angle cette bataille des Services publics. Enfin Daniel Rome revient sur les concepts. 

Bonne lecture

L’équipe de rédaction de Cerises


LES ÉLÉMENTS DE CE DOSSIER

Vous trouverez ci-après l’énumération des articles et documents constituant ce dossier. Pour chacun, un lien, qui vous en permet la lecture intégrale.

Services publics : les raisons d’un ensemble. 

On tend à considérer en France que l’existence des services publics fait partie du paysage, constitue un élément du pays.

Par Patrick Vassallo

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Remises en cause et privatisations font souvent l’objet de mobilisations. Tout ceci est fort légitime. Mais 3 questions se posent si nous voulons que cette défense des services publics ne se limite pas à une préservation de l’existant. Pourquoi des services publics ? S’ils se fondent sur les besoins essentiels, quels en sont les périmètres ? Pour interdire tout concubinage avec le marché, quelle (auto)gestion ?

Même la République la plus démocratique ne suffit pas à justifier des services publics si ne sont pas définies les raisons qui en fondent l’existence.


Une autre dimension des luttes

Par Pierre Zarka

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Les luttes pour les services publics sont trop souvent réduites à la protestation des personnels. Ils ont raison de se battre mais ne serait-on pas plus forts si on en revenait aux fondements ? L’enjeu ne se limite pas à défendre les services publics comme on défend son entreprise mais de savoir si nous allons vers une société où chacun/e est livré à lui ou à elle-même détruisant ainsi le corps social.

Les services publics ne peuvent être ni de l’ordre de la marchandise ni espaces de rendement financier.


Ne plus défendre les services publics ?

Oui, le titre est provocateur. Le propos vise simplement à dire qu’il nous faut être offensif, ne pas en rester à la seule action défensive… bien évidemment nécessaire tant que le rapport de force nous oblige à cela.

Par Christian Mahieux

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Ce texte ne traite pas un point essentiel, mais abordé par ailleurs : la nécessité d’un statut des travailleurs et travailleuses, car la qualité du travail, donc du service offert, est intrinsèquement liée aux conditions dans lesquelles il s’exerce. Il s’agit ici de se concentrer sur les contours des services publics. Le plus aisé concerne ce qui correspond à des activités déjà reprises dans les définitions en usage : services publics, fonction publique, entreprises publiques, missions de service public… Bien sûr, l’éducation, la santé, la poste, les transports, l’eau, l’électricité, etc., doivent être des « services publics ». Mais la vraie question n’est-elle pas de savoir quels métiers, quelles activités sont socialement utiles ?


Le service public à la lumière de son organisation.

Le 20ème siècle nous a habitué à penser propriété publique pour l’organisation en charge du service public.

Par Olivier Frachon

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L’exigence de renationaliser ce qui a été privatisé est présente dans les luttes, notamment pour les services publics dits industriels. Ce qui ne suffit pas à éviter l’étatisation autre caractéristique commune aux Établissements Publics à caractère Industriel et Commercial du passé !

Choix de développer des communs, manière de vivre ensemble, les services publics ne peuvent découler des seuls choix technocratiques ou bureaucratiques. Aujourd’hui fragilisés, peuvent-ils être défendus en l’absence des populations et des salariés ? Et sans poser la question de la démocratie ?


Dans le champ de l’électricité, deux évidences

Sortir des marchés. C’est une question systémique. Nous avons des équations physiques complexes à résoudre.

Par Karine Granger

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À tout moment, les électrons ne se stockant pas, la production doit être égale à la consommation dans une économie de réseaux. Cela nécessite que l’on « prévoie » les consommations et que l’on planifie les infrastructures en conséquence (réseaux de transport et distribution et moyens de production).

Avant que le marché – sous le dogme d’une inévitable concurrence voulue par l’Union européenne– ne s’impose et casse cette indispensable planification, les gouvernements successifs décidaient in fine de la politique énergétique de leur pays. C’est comme ça que la France sous l’effet des chocs pétroliers a décidé d’une relative indépendance énergétique à travers le programme nucléaire. EDF -entreprise intégrée- en était le levier opérationnel.


Mexique :

la coopérative comme moyen de défendre le service public

En 2009, lorsque le président Felipe Calderón décréta la fin de l’entreprise d’électricité publique qui approvisionnait la ville de Mexico, Luz y Fuerza del Centro, le Syndicat mexicain des travailleurs de l’électricité (SME) et ses 44 000 membres s’opposèrent vigoureusement à sa privatisation.

Par Patrick Le Tréhondat

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La police et l’armée occupèrent le siège du syndicat et les lieux de travail de l’entreprise. La résistance a duré près de sept ans, jusqu’à ce qu’un accord soit conclu, aux termes duquel le syndicat se voyait accorder, avec la constitution d’une coopérative, la possibilité d’exploiter l’électricité.

Aujourd’hui, le syndicat regroupe quelque 14 600 travailleurs qui ont alors pris la décision d’entamer l’expérience d’autogestion afin de défendre leurs emplois et préserver un service public de l’énergie.


Une école commune à construire ensemble

Comme d’autres services publics, l’école est en crise.

Par Sylvie Larue

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Le système éducatif ne réussit pas à réduire les inégalités sociales d’accès aux savoirs. Le désenchantement des enseignant.es conduit à des démissions ou ruptures conventionnelles, et une crise de recrutement s’ouvre dont on ne mesure pas encore les conséquences à venir.

La grève du 13 janvier dans l’éducation nationale qualifiée d’historique a montré l’état d’exaspération des personnels.

Dans le numéro de Cerises d’octobre 2020, nous écrivions : « Le temps de l’école comme le temps de la démocratie est un temps long, un temps d’expérimentation, de réflexion, de retour sur les pratiques.


Déstructurer l’école, un objectif très politique

L’école primaire française présente la singularité d’un fonctionnement collectif inscrit jusqu’à présent dans les textes qui la régissent.

Par Martine Derrien

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Tout d’abord, cette structure n’a pas d’entité juridique, d’où l’absence de conseil d’administration et donc de chef d’établissement. Elle est l’échelon le plus abouti et historiquement le plus ancien d’une gestion déconcentrée d’un service public entre commune, bailleur gracieux du bâti, et État. De par la loi, la commune organise le besoin scolaire et l’État reconnaît le besoin scolaire. Deux entités distinctes régissent la structure, le conseil d’école et le conseil des maîtres.


Vers l’autogestion des biens communs au service de la transition écologique et sociale

La casse du service public bat son plein à toutes les échelles de territoire, avec pour objectif de marchandiser et de financiariser l’ensemble des activités économiques et sociales au service du capital.

Par François Longérinas

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La nature même du service public, qu’il s’agisse de la santé, de l’éducation, de l’énergie ou de l’eau, relève des biens communs et de l’intérêt général. Leur réappropriation par le peuple se doit d’intégrer le partage du pouvoir de décision par l’intégralité des parties prenantes, qu’il s’agisse des salarié·e·s des institutions, des collectivités territoriales, de l’État, comme des usagers. Ces derniers, sortant d’un contexte de commercialisation, ne doivent ainsi plus se considérer comme des clients consommateurs.

Nous n’entendons pas ainsi lutter pour une nationalisation globale, mais pour une socialisation des biens publics, en faisant de sorte, à chaque fois que c’est possible, que le territoire communal soit la base de l’action, de la production et du pouvoir.


Se réapproprier les services publics en en faisant des communs

Le tournant libéral des années 1980 a ouvert une période d’« enclosure » sous l’égide de l’oligarchie financière.

Par Jean Lafont

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Le tournant libéral des années 1980 a ouvert une période d’« enclosure » sous l’égide de l’oligarchie financière. Elle se manifeste par l’adaptation de l’appareil d’État à la mondialisation libérale et la transformation du Parlement en chambre d’enregistrement, par la privatisation et la marchandisation des services publics et par la privatisation de la nature et du vivant.

L’État, entre les mains de l’oligarchie financière, est un acteur de cette évolution. Les réformes de la fonction publique soumettent les salarié.es à la gestion managériale du privé, tandis que l’accès aux services publics des usagers, devenus « client.es », se dégrade. Les salarié.es ne comprennent plus le sens d’un travail exercé dans des conditions parfois impossibles, et sont exposé.es à la vindicte d’un public mécontent.


Railcoop :

Une nouvelle forme d’appropriation du transport ferroviaire par les citoyens eux-mêmes.

Le constat est unanimement partagé : la desserte ferroviaire française s’est considérablement dégradée ces quarante dernières années, privant ainsi des milliers de citoyens de moyen de déplacement et par voie de conséquence d’opportunités d’emploi, d’accès facilité à la santé, à l’éducation, etc.

Par Alexandra Debaisieux

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L’État n’a pas considéré le maillage ferroviaire français comme un vecteur d’inclusion et d’égalité. Le développement du TGV a renforcé le positionnement des métropoles et la centralité de Paris, au détriment des territoires ruraux. L’État n’a donc pas été garant d’un accès équitable aux ressources et ceci quelle que soit la couleur politique des gouvernements qui se sont succédés. Car au fond, le ressort puissant qui a gouverné les politiques publiques ces dernières années était le même : il s’agissait de créer les conditions permettant la performance du marché. La libéralisation du transport ferroviaire de passagers définie dans le cadre du 4ème paquet ferroviaire s’inscrit dans cette dynamique.


Une piste qui remonte au conseil national de la résistance : le centre de santé mutualiste !

Le Centre de Santé Pierre Calisti a été créé peu après la Libération, par le Comité d’Entreprise des Chantiers Navals de la Ciotat. Il avait vocation à soigner l’ensemble de la population de la ville.

Par Marianne Coudroy

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Il dépendait du Grand Conseil de la mutualité des Bouches du Rhône, comme les 10 autres centres de santé du département, sa clinique ses pharmacies et ses centres optiques, et était issu des valeurs du CNR. Ces centres permettaient l’accès aux soins à 200000 usagers sur le département. Dans certaines communes les usagers de ces centres représentaient 80% de la population.

Une des grandes qualités de ce centre a été de pratiquer très tôt une médecine d’équipe pluridisciplinaire avec respect du libre choix, et unité de lieu, permanence hebdomadaire d’un accueil médico-social, dossier médical commun pour les médecins généralistes et spécialistes.


La notion de service public : une histoire bien singulière…

Le théâtre est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin…Le théâtre est donc, au premier chef, un service public. Tout comme le gaz, l’eau, l’électricité.

Jean Vilar

Par Daniel Rome

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Dès le XVIIIème siècle apparaît la notion de service public, notion qui prend tout son sens au moment de la Révolution française. Les constituants affirment une nouvelle conception du « service public de la nation » fortement inspirée par les penseurs des Lumières et notamment Montesquieu sur la séparation des pouvoirs pour mettre un terme à l’absolutisme royal. La première idée qui nous vient en tête est l’intérêt général, notion au demeurant floue et incertaine. Qu’est-ce qui relève ou non de l’intérêt général ?

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