Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Radicalité et conscience de soi

(Cet article fait partie du dossier “Radicalité” que vous retrouverez en cliquant sur ce visuel)

Face à la gauche molle, on oppose souvent des mesures qui disent rompre avec le capitalisme. La plupart du temps, ces mesures sont de fait empruntées à la nostalgie des années 1945 et 50 à savoir faire accepter au capitalisme des réformes. Or nous avons changé d’époque : désormais chaque mesure structurelle met en cause l’existence du système : développer les services publics c’est moins d’argent pour le capital ; aujourd’hui il est plus rentable financièrement de spéculer que de faire travailler : moins besoin de main-d’œuvre donc moins besoin d’école ou de santé ; élargir la démocratie c’est perdre du pouvoir. Il n’y a de radicalité qu’en allant chercher des solutions qui mettent en cause l’existence du capitalisme.

Reconstruire son identité passe par la construction d’une autre vision du monde et de la place de chacun dans la société. La politique a de tout temps été une forme de socialisation, un moyen permettant au tréfonds de l’individu/e de s’identifier à un groupe et à un devenir collectif. Au-delà de divergences et même de conflits irréductibles, lors du siècle passé l’idée de développement des sociétés était partagée. On a eu droit pêle-mêle aux conquêtes coloniales, à l’attachement à l’URSS, à la version sociale-démocrate, au gaullisme ou au progrès technique comme vecteur automatique de progrès social. Il ne reste rien de cela.

Personne ne la construira par des mesures du type passer de 35 à 32 heures de travail sans redéfinir sa place au travail et la reconnaissance des activités dites « hors travail », ni par la création d’une banque d’investissement sans s’en prendre à la domination des actionnaires. Rendre le pouvoir au Parlement c’est encore déposséder les citoyen/es de leur capacité d’intervention dans les choix politiques. Au nom du réalisme, la gauche et le syndicalisme en sont à proposer des aménagements qui laissent indifférents car ils ne changent pas la place de la personne dans la société- ce qui permet au capital d’y rester sourd. Scander qu’il faut le progrès social et humain comme si d’autres revendiquaient la régression sociale et inhumaine ne dit rien.

C’est malheureusement différent avec l’extrême-droite : n’apparaît-elle pas prendre en charge ce désir de retrouver l’époque antérieure (singulièrement idéalisée) ? Elle offre à travers son racisme et sa démagogie l’illusion d’un projet de reconnaissance d’une identité à la fois individuelle et collective. Elle puise dans les mythes de notre histoire collective des repères d’identification (Jeanne d’Arc, Front National et Résistance). Les romains avaient un dicton : « j’ai à peine de quoi manger mais au moins je suis romain ». Zemmour n’a rien inventé.

J’agis donc je suis

Est-ce que cela voudrait dire que notre époque ne pourrait plus être à une radicalité démocratique ? Bien au contraire : les démissions dues au mal du travail, le refus d’avoir toute la journée un chef ou des contraintes sur le dos, de ne pas pouvoir décider de son sort ; le rejet de toute discrimination, le sentiment aigu que l’espèce vivante est menacée par des pollutions mortifères sont autant d’appel à des solutions radicales. Des solutions qui, parce qu’elles sont loin d’être de l’eau tiède qu’elles bouleversent l’état des lieux, s’attaquent frontalement aux causes permettent de définir où se situe l’antagonisme, de refuser l’ordre établi et de pouvoir décider de son devenir. Le féminisme ne revendique pas moins d’inégalité mais l’égalité. Être femme devient se sentir capable de faire l’actualité. La radicalité concerne aussi la conception que l’on a du rôle du peuple. Idem les Gilets Jaunes : la symbolique est forte : tout le monde a un gilet jaune dans sa voiture ; il suffit d’être Madame ou Monsieur n’importe qui pour être reconnu comme apte à faire bouger les choses. Interrogeons-nous sur ce qui a fait bouger deux ans durant chaque samedi des dizaines de milliers de femmes et d’hommes. Ou encore les manifs pour le climat. Il y a un côté : j’agis donc je suis.

Proposer une démarche porteuse de radicalité, avant même d’avoir obtenu gain de cause c’est redonner confiance aux gens en eux-mêmes.

Partager sur :         
Retour en haut