Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Management et souffrance au travail

(cet article fait partie d’un dossier que vous retrouverez ICI)

Le travail s’est beaucoup transformé depuis 30 ans et du coup le rapport au travail aussi. Il s’est fortement précarisé et beaucoup de statuts protecteurs ont subi de graves revers (fonctionnaires, cheminots, postiers, agents de l’énergie…). Nous avons vu apparaître l’ubérisation du travail avec le développement des plateformes qui ont eu pour effet de dégrader fortement le sens et les conditions du travail. Les plus touchés ont été les femmes et les jeunes. Les jeunes générations veulent penser de plus en plus leur travail dans une démarche d’utilité sociale et de cohérence personnelle entre la vie au travail et la vie hors travail.

Parallèlement une multitude d’entreprises réorganisent le travail et les processus de production dans l’objectif de réduire les coûts, augmenter la productivité et assurer des dividendes plus importants aux actionnaires. Cette logique a eu pour effet de désolidariser les groupes de travail, casser le syndicalisme de combat et déstructurer le sens même du travail pour des millions de salariés. Dès les années 90 Marie Pezé, Christophe Dejours, Yves Clot ou Vincent Gaulejac ont analysé ce que l’on nomme la souffrance au travail. On se souvient récemment du procès retentissant de France Télécom où plusieurs dizaines de salariés ont mis fin à leurs jours sur le lieu de travail. C’est le sens même du travail qui est attaqué. Les suicides sont un avertissement très fort comme chez Renault, dans l’enseignement, dans la police ou dans la magistrature. Que  ce soit dans une entreprise ou un service public le problème est le même. La logique financière du capitalisme met les salariés en souffrance.

C’est le sens même du travail qui est attaqué

La souffrance au travail est due à la fois à des méthodes de management qui mettent au cœur de leurs préoccupations le taux de rentabilité pour les actionnaires au détriment de celles et ceux qui produisent de la valeur, et à des managers toxiques qui pratiquent parfois le harcèlement. Nous rencontrons souvent ce que l’on appelle l’injonction paradoxale qui exige du salarié des résultats qu’il ne peut pas atteindre par manque de moyens matériels et humains. Rappelons que la France est 4ème mondiale en productivité horaire alors que dans le même temps les conditions de travail se sont terriblement dégradées. On pourrait, pour compléter le tableau, évoquer aussi la souffrance éthique où le salarié rencontre un conflit entre ses valeurs profondes et ce qu’on lui demande de faire. En définitive beaucoup de salariés font le choix de changer de métier car les contraintes managériales portent un coup sévère à leur santé physique et morale et détruisent à petit feu les liens familiaux et l’estime de soi.

Comme le dit Marie Pezé dans le courrier des cadres : « Toutes les conditions sont réunies pour que le salarié français, qui est probablement l’un des plus attachés à bien travailler, soit en situation de le faire en mode dégradé – c’est à dire de ne pas réussir à bien faire son travail, et de ne pas pouvoir se regarder dans la glace le matin en se disant qu’il va bien travailler aujourd’hui ».

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