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Médias d’affaires et Médias alternatifs.

Vincent Bolloré a annoncé le lancement d’une OPA de Vivendi sur Lagardère avec le soutien des principaux actionnaires du groupe dont Bernard Arnault.

Alors qu’il vient d’acheter le groupe Prisma (Télé-Loisirs, Voici, Femme actuelle, Capital, Gala…le géant Français des médias (Canal+, C8, CNEWS, Havas, Editis etc.) va ainsi  avaler le groupe Lagardère : Europe 1, Paris Match, le JDD, Guilli entre autre mais aussi tout le secteur édition du groupe, Hachette Livre le n° 3 mondial ( Livre de Poche, Calman Lévy, Grasset, Stock, Larousse…), des éditions de livres scolaires…) plus les Relay H etc.

Selon Médiapart « jamais une telle concentration horizontale et verticale n’a été réalisée dans le monde des médias et de la communication. Un signe supplémentaire de notre effondrement démocratique. »

Rappelons qu’à la libération, les principaux patrons de presse ayant collaboré, un dispositif visant à favoriser le pluralisme et la presse d’opinion avait été mis en place avec la création de coopératives de presse permettant à tous les journaux de bénéficier de tarifs communs pour la distribution (NMPP, Poste)  l’achat de papier (SPPP) et l’impression avec une intervention forte du syndicat des ouvriers du livre dans la gestion des imprimeries.

Les nouveaux patrons de presse ont d’abord joué le jeu avant de remettre tout en cause, non sans résistance, beaucoup se souviennent encore de la grande grève des imprimeurs du Parisien Libéré, qui en fait concernait tous les titres.

Ironie du sort, il se trouve que Jean Luc Lagardère (le père) a été un des premiers patrons de presse à quitter les coopératives pour faire cavalier seul.

Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de ce dispositif et les médias ont considérablement évolué, avec le développement des télévisions, d’internet  etc.

Sur le plan économique aussi puisqu’une poignée de milliardaires possède 90 % des médias français.

Plus d’un français sur 2 ne croit plus en la télé radio presse. Daniel Schneidermannn (Arrêt sur images)  explique que « si la presse en général ment, ce n’est pas par désir conscient d’enfumage mais par fonction qui est de préserver l’ordre des choses, ordre économique, ordre politique… Des journalistes auto-persuadés de leur honnêteté peuvent, au total, fabriquer une presse mensongère. »

C’est que jusqu’à maintenant, l’ordre des choses suffisait pour maintenir le système, les patrons de presse n’intervenaient pas directement auprès des journalistes et des chroniqueurs (qui se substituent de plus en plus aux journalistes).

Avec Bolloré, on passe à une autre dimension, pas seulement dans la concentration économique mais aussi dans le niveau d’intervention du capital dans les contenus.

Déjà lorsqu’il est arrivé à Canal+ Il a clairement annoncé la couleur en faisant le ménage dans les programmes (les Guignols…) et les rédactions. Bien qu’encore minoritaire, il a commencé à le faire à Europe 1. Ou plusieurs dizaines de journalistes annoncent leur intention de faire jouer la clause de conscience.

A l’appel de l’intersyndical et de la société des rédacteurs d’Europe 1, 150 personnes, pour la plupart journalistes ont dénoncé « l’emprise croissante de Vincent Bolloré dans les médias, » et fait part de leur crainte de voir leur radio se transformer en un média «  d’opinion. »

On connaît les opinions du patron de Vivendi à travers  CNews, Valeurs Actuelles etc ;  avec lui, l’extrême droitisation de la presse est en marche.

Ce n’est pas un hasard si le fleuron de ses chroniqueurs est Éric Zemmour, produit politique  lancé dans la campagne présidentielle, curieusement ( ?) avec la même méthode et les mêmes réseaux que Macron : Bolloré, Arnault, la banque Rothschild, la City…

Zemmour serait-il le plan B de la bourgeoisie ?

C’est que Bolloré a besoin de l’État français pour développer ses affaires dans le monde, il est présent dans 105 pays sur 5 continents. En Afrique, il est implanté dans 45 pays avec 250 filiales, il est un maillon essentiel de la France-Afrique. On comprend qu’avec son compère Bernard Arnault, lui, plus engagé dans le plan A, ils s’intéressent, avec ses médias, aux élections présidentielles.

Et compte tenu de l’exacerbation des crises sociales, environnementales et démocratiques, un Zemmour pourrait servir ; lui pourrait peut-être crever le plafond de verre pour mettre en place un régime toujours plus liberticide, pour aujourd’hui ou pour demain.

Il est pourtant envisageable, même si la tâche est immense, de remettre en cause l’efficacité de ces superforces de frappe médiatiques destinées presque ouvertement à conditionner les esprits pour maintenir l’ordre des choses capitaliste.

Déjà le baromètre de confiance dans les médias TNS-Sofres indique que 60 % des Français s’interrogent sur l’indépendance des journalistes par rapport au pouvoir politique, au pouvoir économique et à l’argent.

Selon une enquête CEVIPOF-Opinion Way, ils seraient moins d’un quart à faire confiance aux médias traditionnels.

Il y a donc de la place pour développer des médias alternatifs, de proximité.

Les chemins sont nombreux ; journaux, télévisions, radios, sites internet… Mais, pour reconquérir la parole et construire durablement une alternative démocratique, les citoyens devront se réapproprier les moyens de production de l’information.

Et il y a du déjà là :

A Marseille, à la suite des révoltes urbaines de 2005, les habitants des quartiers populaires se sont organisés pour reprendre une parole confisquée. Ce sont ainsi créés, souvent avec des journalistes professionnels,  des médias de proximité leur donnant la parole ; on peut citer Les femmes de la Baguette magique devenues reporters de leur quotidien,  Primitivi qui retrace l’histoire du quartier au travers de l’expression des habitants, radio Grenouille, à la fois radio associative, productrice de projet, médiatrice et diffuseuse, atelier de création sonore, sans oublier La Friche et le Collectif ŒIL,

La Friche est «  un collectif de journaliste indépendants-es, artistes, documentaristes, techniciens-es, (qui) tous et toutes revendiquent une pratique professionnelle directement inspirées du réel des quartiers populaires. » La Friche anime également des ateliers d’éducation aux médias et à l’information visant à la réappropriation de la parole médiatique.

Le collectif ŒIL défend une photographie  «  fondée sur l’engagement social. Ce que nous voyons, ce que nous capturons, ce que nous montrons, est ce que nous pouvons et devons changer, ces engagements tendent à promouvoir une vision humaniste de la société. » Raymond Depardon a dû apprécier lui qui a écrit : « si tu photographies les gens, il faut leur parler. »

On pourrait trouver bien d’autres exemples, très divers,  de libération de la parole pour une information vivante.

Il appartient au mouvement populaire de relever aussi  le défi médiatique pour transformer l’ordre des choses.

Cerises, média alternatif, s’efforce modestement d’apporter sa contribution.  

Alain Lacombe

Pour la photo

https://www.acrimed.org/
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