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La Gare du Nord n’est pas à vendre.

Pas de suite

Le gouvernement et la SNCF abandonnent le projet de privatisation/commercialisation de la Gare du Nord, à Paris. Fort bien. Voilà une gare parisienne qui ne sera pas transformée en centre commercial dotée accessoirement d’une gare. Encore que : d’une part, c’est déjà assez largement le cas, comme pour toutes les gares parisiennes (et pas seulement celles-ci) ; d’autre part, contrairement à ce que la plupart des médias relaient, cette volonté existe toujours.

La société Gare du Nord 2024 a été constituée en février 2019 par SNCF Gares & Connexions (34%) et Ceetrus, filiale du groupe Auchan (66%). Ce Partenariat Public Privé (PPP), comme la novlangue libérale nomme les privatisations de biens publics, prévoyait une concession de 46 ans durant lesquels Auchan percevrait les redevances des, très nombreux, commerces créés sur le site. C’est également Auchan, via Ceetrus, qui se chargeait des appels d’offres pour les travaux, sans intervention de la SNCF. Bouygues avait été choisi. Le résultat est connu : des années de retard déjà prévues, un budget qui passe de 389 millions d’euros à 1,5 milliard, pour des travaux qui n’ont pas encore commencé et qui exigeaient l’immobilisation d’un quart des voies de la gare. La « réussite » est telle que le gouvernement et la SNCF ont décidé de prononcer la déchéance de cette concession. Auchan est-il sanctionné ? Pas sûr car le projet finalement retenu avait été revu à la baisse par rapport à celui, pharaonique, de départ : un peu moins de commerces, un peu plus d’espaces verts, de parcage pour les vélos et de possibilité de cheminement pour les usagers de la gare. La rupture du contrat va provoquer un contentieux juridique qui, en termes de « dédommagement », pourrait bien profiter à Auchan : grâce au Partenariat Public Privé, l’entreprise publique SNCF paiera pour des travaux non réalisés. Il fût un temps, qui n’était pourtant pas parfait, où la SNCF était en capacité, grâce à des cheminotes et cheminots exerçant les métiers adéquats, de mener de bout en bout des travaux de rénovation d’une gare… L’occasion de reposer la question des emplois socialement utiles, de leur statut social, du champ des services publics couvrant les besoins collectifs de la société ?

Un rappel, le chiffre d’affaires de Bouygues pour le seul premier semestre 2021 est de 17,4 milliards, celui d’Auchan de 14,8 milliards. C’est la crise.

Le contrat avec Auchan cesse. Le projet de privatisation, non. Sans doute moins grandiloquent, il va redémarrer. Le gouvernement, la direction SNCF, la Mairie de Paris, le Conseil régional d’Île-de-France, sous des formes différentes, toutes ces institutions se félicitaient de la privatisation/commercialisation de la gare. Les collectifs d’habitantes et habitants qui avaient organisé la lutte contre le projet initial ont des propositions. Les organisations syndicales aussi : celles des cheminotes et cheminots, parce qu’une gare reste quand même leur lieu de travail quotidien ; les unions syndicales interprofessionnelles aussi, car les usagers de la gare sont des travailleurs, des travailleuses, des citoyens, des citoyennes, qui doivent s’exprimer à travers la structure de leur classe sociale. Par exemple, ne serait-il pas plus utile de percer un deuxième tunnel entre Châtelet et Gare du Nord, pour améliorer les conditions de transport quotidiens en RER ? Certes, mais où mettre des commerces dans ce tunnel, doit-on se demander dans les ministères et les sièges sociaux des entreprises prêtes à tout…

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