Horizons d'émancipations.

Une série de dossiers. pour mieux (se) comprendre.

Que faire du fait électoral ?

Nous faisons l’expérience que sorti.e.s de l’isoloir nous ne décidons plus de rien ou si peu. Les élu.e.s bénéficient d’une indépendance sur laquelle nous n’avons aucune prise. Pire, nous faisons l’expérience que même des résultats de référendum sont bafoués. Alors que faire ? S’abstenir ? Subvertir le fait électoral ? Rejeter la démocratie représentative ? Concrètement comment dépasser toutes les formes de délégation de pouvoir et se réapproprier collectivement la politique ? Dans ce dossier, Cerises invite à mener le débat avec comme d’habitude une diversité de points de vue. Une suite est d’ores et déjà prévue.  

Doit-on obligatoirement confondre les notions de vote et celle d’élection?

Si nous nous mettons dans la perspective du dépérissement de l’État, tenir compte des réalités actuelles ne nous empêche pas de commencer à mettre en cause la dimension représentative et délégataire.

Aujourd’hui, dans le cadre de la république bourgeoise et de son mode de représentation/délégation/mandatement, les élu(e)s une fois élu(e)s bénéficient d’une profonde indépendance vis-à-vis de leurs mandataires. De fait, ils ne leur rendent des comptes qu’au moment de l’élection suivante. Alors même que ce sont renforcées les procédures de « contrôle » par la classe dominante (cours des comptes, normes européennes, etc…)

Un enjeu porte sur la déconnexion du vote et des pouvoirs. Un vote prend acte de l’état d’un débat, d’un rapport de force établi. Il est de moins en moins le reflet exact de l’état d’esprit de la population et de ce fait il n’est pas automatiquement l’outil du maintien ou de l’accès électoral au pouvoir dans une (des) institution(s).

Si tout n’est plus dans les élections, on peut dès lors affronter le « moindre mal ». On a pu vérifier combien la désillusion devant ce « moindre mal » engendre ressentiments et recours à l’extrême-droite. Ne pas en tenir compte au nom du réalisme ne fait qu’éloigner de la perception d’une autre approche de l’échéance électorale. Et désespérer d’un changement global de logique, d’une inversion de l’ordre des choses (l’humain d’abord et pas l’argent-roi, par exemple).

Cela n’implique pas de vilipender celles et ceux qui, poussés par la panique, continuent à voter par défaut ou à examiner des configurations d’alliance lors d’élections. Ceci n’exonère pas d’une position sur les questions de gestion. Mais on peut commencer à créer une dynamique où se débatte la possibilité d’une approche alternative. D’autant que ce qui caractérise la plupart des mouvements et expérimentations alternatifs est un « faire par soi-même » qui accroît la crise de la politique institutionnelle et que la plupart des abstentionnismes sont autant de manifestations de défiance. Si la proposition de la révocabilité est positive, elle ne suffit pas à faire que les citoyens.nes  soient citoyen.ne en dehors de toute période électorale. Dès lors le vote peut d’ores et déjà commencer à changer de sens. Il peut devenir un moment de cristallisation des luttes populaires en un mouvement qui prétend être contraignant pour les pouvoirs institutionnels. Il peut commencer à réconcilier  l’intérêt général et le sens collectif. Dès lors le résultat électoral sert d’abord de levier pour la poursuite de la « constitution » des luttes en un mouvement de dimension politique.

  • Comment se dégager impérativement des anciens modes politiques ?
  • Comment se dégager nécessairement et concrètement de toute délégation de pouvoir tout en favorisant une appropriation collective de la « chose publique » qui fasse réponse aux besoins sociaux?
  • Quelles réponses construire face à la crise de la politique, des  institutions, à la nécessaire « transition » écologique et sociale et à la montée de l’extrême-droite ?
  • En quoi les mouvements et expérimentations alternatifs qui sont un « faire par soi-même» peuvent être facteurs de dépassement des manifestations de défiance ou de « dégagisme » et abstentions de toutes sortes ?

A l’invitation de Cerises, Laurence Boffet élue lyonnaise,  Bruno Dellasudda militant de l’autogestion, Adèle Dorada, militante de l’Union communiste libertaire, Jean-Paul Leroux militant d’Ensemble ! 05, Charlotte Marchandise candidate à la primaire citoyenne aux dernières élections présidentielles,   Léa Vasa squatteuse élue à Paris, ont accepté de débattre avec l’équipe de rédaction. Nous retraçons ici les grands axes du débat et vous trouverez l’intégralité de la contribution de Jean-Paul Leroux, qui revient sur la construction historique de la représentation.

Par ailleurs, Pierre Zarka nous invite à inscrire dans l’immédiat la perspective du dépérissement de la représentation. Christian Mahieux s’interroge sur les modes de décision, faut-il voter pour décider ? Et partons d’un premier constat : “pourquoi je ne vote plus depuis 2012 ?” C’est Nathalie Pierrard qui nous l’explique.

L’équipe de rédaction


Pourquoi je ne vote pas ou plus ?

Nathalie Pierrard

Le pas ou plus est important, nous le verrons plus tard.

Mes écrits ne font référence qu’aux élections dites politiques, par exemple les élections présidentielles ; car, en effet, je vote toujours aux élections professionnelles, même si aujourd’hui, la suppression des délégués.es du personnel, élus.es CE, représentants.es CHST me pèse, mais c’est une autre histoire.

Alors pourquoi, je ne vote pas ou plus aux présidentielles ?

Je suis née en 1964 ; en 1981, pas encore 18 ans, mais du haut de mes 17 ans, j’ai fait mienne cette chanson de Barbara, « Regarde quelque chose a changé, l’air semble plus léger […] un homme, une rose à la main a ouvert le chemin vers un autre demain ». Oui de mes 17 ans j’y ai cru : l’abolition de la peine de mort, entre autres, et puis des ministres communistes … Bref, de l’espoir. Bon, à l’époque je ne savais pas cet homme ambigu qu’il était ; peu importe.

Puis, salariée depuis 83, j’apprenais, découvrais le syndicalisme et le féminisme. 95, Jospin/Chirac, si ma mémoire est bonne je vote Jospin par défaut ; premiervote, par défaut. 2002, Le Pen/Chirac, déjà, je ne voulais plus voter et la veille du scrutin, des proches me font flipper, alors je vote Chirac. Un acte symbolique : quelques temps plus tard, j’envoie à la présidence un bulletin Chirac sur lequel j’écris « pour ne pas oublier » … toujours par défaut. 2007, Sarkozy, Royal … une fois de plus je me fais avoir … encore un vote par défaut. C’est en 2012, que j’ai lâché : depuis que je vote, je n’ai voté que par défaut, ça suffit ! Mais, en même temps, je culpabilise : mes sœurs se sont tellement battues pour que les femmes puissent voter pour la première fois en … 1944.

Alors, raisonnable, parfois je me dis : celles et ceux qui ont lutté pour le droit de vote des femmes te comprendraient.

Surtout je me dis : il y a le vote et après ? Le mandat !

Voici pourquoi je ne vote plus, je ne veux plus faire par défaut. Alors, je ne vais plus voter pendant longtemps, je pense. Sauf si, peut-être, on reconnaît le bulletin blanc, et que dès lors qu’il y aurait trop de bulletins blancs, les candidats.es se questionnaient.

En fait, mais ce sera l’objet d’un autre débat : ne pas céder au rapport au pouvoir.


De la labilité du sens de l’élection en 10 points

Jean-Paul Leroux

1- L’élection à Athènes est une modalité aristocratique qui est faite pour choisir les « meilleurs » en particulier les « stratèges ». Aujourd’hui les grandes écoles jouent ce rôle… Le vote majoritaire, pour les grandes décisions politiques, n’est bien sûr pas une élection, il permet le vote des lois et des constitutions. (A  Athènes, il y a eu 13 constitutions)  Les juges sont tirés au sort à tour de rôle.

2- Quelques 12 siècles plus tard, la représentation apparaît. Elle est une création théologique cristallisée dans la lutte entre la papauté et l’empereur de l’empire germanique. Son penseur est Marsile de Padoue (XIVe siècle). La représentation théorise l’adage « Vox populi, vox dei. » Celle-ci est en concurrence avec le tirage au sort (République de Florence/La Sérénissime de Venise, etc..) L’élection est d’abord une modalité interne aux ordres religieux et cela bien avant sa théorisation dans les couvents et monastères avant de passer dans l’espace politique.

3- Les Pères fondateurs de la République américaine opposent la République à la Démocratie. La République est le régime dans lequel les « représentants » ont le pouvoir. (Federalist papers n°14). Pour eux, la démocratie existe quand le peuple a directement le pouvoir donc ils créent une République pas une démocratie.

4- Thomas Hobbes théorise la représentation comme aliénation totale de chacun en échange de la sécurité. L’expression « aliénation totale » sera reprise par Rousseau.

5- Sieyès est pour la « représentation » contre certains qui sont contre ainsi du révolutionnaire anglais, actif durant la Révolution Française, John Oswald.

6- Finalement Antonelle, maire d’Arles et révolutionnaire, invente la notion de « démocratie représentative » (1793) qui finit par s’imposer au XIXe s. Elle est un « oxymore » qui a réussi.

7- Actuellement, cette construction théorique et pratique, la « démocratie représentative, »  n’est pas seulement en crise, elle est en train de s’effondrer. Cet effondrement est la sortie politique d’une aliénation fondamentale. Certains prônent (texte FI sur la démocratie) le vote obligatoire autant dire l’aliénation permanente !

8- La solution se trouve dans la créativité, à l’œuvre de façon récurrente, et c’est cela qui est étonnant et donne de l’espoir. Nous en nommerons quelques manifestations, des petits (ou gros) cailloux, en quelque sorte : les « covenants » du Mayflower en 1620, les conseils en Russie en 1905, en 1917, en Hongrie en 1956, Lip et l’autogestion, le Chiapas, les GAM[1], les conventions citoyennes qui reviennent au tirage au sort en Irlande et en Islande, soit à l’auto-institution, dernier exemple en cours pour moi, le collectif « Hautes-Alpes solidaire, écologique et citoyen » créé pour les élections départementales sur une base strictement citoyenne.

9- En résumé, le vote est une chose, l’élection dite représentative une autre. La première sert à avoir une majorité. La seconde est une aliénation totale à laquelle il faut être totalement opposé. Il faut lui opposer l’auto-institution, et pour parler grec « l’autonomie » de la « cité », soit la capacité à nous donner nos propres lois, ce qui implique aussi la capacité de juger par nos propres tribunaux de l’observation des lois et enfin, la capacité de nous gouverner et de ne pas être gouverné.

10- Il faut insister sur le fait que cela nécessite un changement important dans la gestion du temps : il en faut beaucoup plus à consacrer par chacun-e au fait politique et donc beaucoup moins à autre chose. La révolution sera aussi temporelle.

[1]    Groupe d’Action Municipal : à l’origine de la prise de Grenoble par Hubert Dubedout et d’autres villes, ancêtres des conventions citoyennes.


Représentation, aménagement ou dépérissement ?

La crise du système représentatif

Pour Daniel Rome : « Ce qui domine depuis très longtemps c’est que ce système conduit à déléguer son pouvoir de penser et d’agir à d’autres et finalement d’être dépossédé de l’orientation politique. Pendant un temps on choisissait ce qui nous paraissait le meilleur ; aujourd’hui on choisit le moins pire. On est passé d’un vote d’adhésion à un vote par défaut.

Les institutions de la Vème République ont au fil du temps amenuisé le rôle du parlement, et l’élection au suffrage universel du président de la République a renforcé le caractère bonapartiste du pouvoir. Cette disposition constitutionnelle a renforcé la présidentialisation du régime. Ce pouvoir bicéphale a écrasé dans la durée les contre-pouvoirs, y compris quand l’initiative venait du président comme la convention citoyenne sur le climat. Aujourd’hui on méprise les syndicats, les associations qui ont une capacité d’expertise extrêmement importante. La démocratie est à réinventer ».

Bruno Dellasudda mesure la gravité et la profondeur « de cette crise à travers l’abstention qui est massivement une abstention populaire et une abstention de la Jeunesse. Elle s’exprime aussi à travers la défiance généralisée vis-à-vis des institutions, vis-à-vis de toute forme de représentation et vis-à-vis des partis politiques, mais aussi en partie vis-à-vis des associations et des organisations syndicales. En général on ne voit pas très bien ce qui pourrait la réduire. Au contraire, on a l’impression que depuis plusieurs années cette crise ne cesse de s’approfondir ».

 Un système excluant et compatible avec le capitalisme

La démocratie est à réinventer

Adèle Dorada rappelle qu’« il y a des exclus du vote, ils sont nombreux en France et partout ce sont d’abord ceux et celles qui n’ont pas la citoyenneté européenne et qui pourtant contribuent à notre société, et grandement, par leur travail parce qu’ils sont surexploités. Mais de manière moins directe il y a aussi tous les exclus du vote par l’abstention qui sont en particulier ceux qui ont les salaires les plus bas.  Il y a d’autres méthodes d’exclusion du vote, il y a l’exemple connu des afro-américains aux États-Unis qui sont notamment exclus du vote par la criminalisation de la consommation de drogue puisque un certain nombre de peines abrogent le droit de vote. Et donc les afro-américains participent extrêmement peu aux échéances électorales aux États-Unis ». Adèle poursuit : «Le terrain principal de la lutte de classe ce ne sont pas les institutions, c’est l’économie, on ne peut pas changer la démocratie sans prendre en compte la question des rapports de force qui permettront ou non de mettre en place des pratiques démocratiques différentes. Aujourd’hui les intérêts de classe qui priment ce sont les intérêts de la classe exploitante, de la classe capitaliste et les institutions servent ces intérêts même si on essaie de les changer de l’intérieur, du coup ce n’est pas un changement démocratique qui mènera un système plus juste c’est au contraire les mouvements sociaux qui changeront la démocratie. Donc on peut énoncer énormément d’idées et cela a été fait, on peut avoir des revendications autour des questions de mandatement, de mandats qui tournent, la possibilité de dé-mandater des élus mais en réalité tant qu’on vit dans cette société dominée par la classe capitaliste, les institutions resteront au service de cette classe, si on n’a pas une abolition de ce système et de ces classes ».

Il va falloir déconstruire ce qui se fait aujourd’hui

Charlotte Marchandise objecte : « on marche, on marche, on marche, on manifeste, on propose des voies alternatives sauf que si on n’a pas le pouvoir, on peut toujours parler mais on ne peut pas le mettre en place ».

Pour Sylvie Larue il est donc nécessaire de s’inscrire dans un double processus , « un processus de dépassement du système capitaliste, et un processus de dépassement de la démocratie telle qu’elle est organisée aujourd’hui.  Il faut qu’on arrive à penser en même temps et solutionner le fait qu’il y a des mouvements sociaux  qui ne gagnent pas et des processus électoraux qui déçoivent.

On ne revendique pas de se positionner en contre-pouvoir, et au fait que les contre-pouvoirs puissent peser réellement, mais dans le fait de revendiquer de prendre le pouvoir. C’est aussi ce qu’ont exprimé les Gilets Jaunes à travers leur proposition de RIC. A travers cela ils recherchent de prendre le pouvoir et le pouvoir de décider ».

Démocratiser radicalement la démocratie ?

Pour Charlotte Marchandise, il va falloir déconstruire ce qui se fait aujourd’hui et s’interroger sur comment on prend des décisions.

Pour Bruno Dellasudda «Il faut proposer des mesures radicales pour démocratiser la démocratie, là je parle de la démocratie représentative. Pourquoi? Parce que si on considère que la représentation c’est une aliénation, ce que dit Jean-Paul et je le partage, on ne peut pas se passer de la représentation du jour au lendemain. Je pense qu’il faut viser le dépérissement de la représentation. Mais en attendant qu’elle disparaisse, il faut la réformer radicalement et injecter des mesures tout à fait radicales. L’idée pour résumer les choses, c’est de dé-professionnaliser radicalement la vie politique. En mettant en place une démocratie par le bas, une démocratie active,citoyenne, autogestionnaire qui sera par moment en conflit avec la démocratie représentative et c’est cette démocratie qu’il faut construire par un processus d’assemblée citoyenne populaire permanente y compris sur la question du budget participatif. L’idée c’est que la population soit associée aux décisions budgétaires ».

Laurence Boffet partage l’idée de conseils citoyens  « mais il faut savoir aussi qui sont celles et ceux qui participent et, en fait, ce sont toujours les mêmes et qui ne représentent pas la diversité. On a un vrai enjeu qui est de faire participer les gens qui sont très éloignés de la politique.  Au total on a beaucoup de mal à faire du collectif. Maintenant les gens ne sont plus dupes et refusent de participer et c’est très difficile de les convaincre ».

Ainsi pour Charlotte Marchandise il faut pouvoir être consulté non seulement sur les sujets généraux mais aussi ceux qui font notre vie et  s’assurer que les élu.es  délibèrent avec les premiers intéressés,  avec les  gens du voyage,  avec les personnes en situation de handicap,  avec les jeunes y compris les plus vulnérables …

Il faut aussi s’assurer d’une vraie construction collective.  Lea Vasa se questionne sur le fait qu’ « il peut y avoir un travers citoyenniste à partir du moment où c’est des habitants , des citoyens lambda qui proposent, alors forcément c’est une bonne décision. Mais la somme des intérêts particuliers ne fait pas l’intérêt général. Si l’on veut explorer des modes de participation plus ouverts et poussés, il faut quand même réfléchir à quel est le cadrage de valeurs, idéologique, qu’on met autour de tout cela. On se réfère à la constitution, à plein d’autres documents, aux droits internationaux, humains, etc…, il faut que collectivement on soit d’accord sur ce cadrage-là ».

Bruno Dellasudda en conclue pour sa part que la perspective doit être double : « c’est l’articulation de la démocratisation des institutions et de la démocratie représentative dans la perspective d’un dépérissement et la construction par le bas d’une démocratie active, autogestionnaire ».

Pour Jean Paul Leroux « le vote est une chose, l’élection représentative en est une autre radicalement opposée, la première sert à avoir une majorité, la 2nde est une aliénation totale à laquelle il faut être totalement opposé, il faut lui opposer l’auto-institution,  l’autonomie de la cité soit la capacité à nous donner nos propres lois ce qui implique nos capacités de juger par nos propres tribunaux de l’observation des lois et enfin la capacité de nous auto-gouverner et non pas se laisser gouverner ».

Pour Sylvie Larue, «plutôt qu’une 6eme République, il faut dépasser le système représentatif lui-même. Nous sommes favorables à l’auto-organisation des luttes, à l’autogestion des entreprises, des services publics et de la sécurité sociale. Pourquoi ne pas revendiquer l’auto-organisation des territoires, que ceux-ci se fédèrent ? Remettre en cause l’indépendance des élus, affirmer que nous ne voulons pas être représentés.e.s, mais que nous voulons mandater des délégué.e.s sur des bases différentes, avec des allers-retours  dans des assemblées locales, départementales nationales et pourquoi pas internationales… Cela nécessite, un processus long, la démocratie nécessite du temps libéré pour l’exercer ».


Ça commence maintenant

Pierre Zarka

Aujourd’hui, on vote davantage pour éviter le pire que pour ses convictions. La course au « moindre mal » entraîne une profonde déconnexion entre le résultat d’une élection et la société. On en a la preuve d’élections en élections. D’où une profonde crise politique et institutionnelle sur laquelle l’extrême-droite se développe. Le système représentatif est en cause. Il consiste à désigner celles et ceux auxquels il faudra ensuite obéir. La proposition de révocation d’élu(e)s qui trahiraient leurs engagements, survenant une fois que le mal est fait, ne changerait pas grand-chose.

En convergence avec Jean Paul Leroux, rappelons que Thermidor supprime la primauté politique qu’avaient les assemblées locales sur la représentation nationale entre 1792 et 93 ; au lendemain de l’écrasement de la Commune, on trouve parmi les fondateurs de la 3ème  République et du système représentatif des monarchistes comme Thiers. Le suffrage universel masculin devient le moyen de prendre régulièrement le pouls des « classes dangereuses » et de dissocier les élites politiques de ces classes afin d’éviter les mauvaises surprises. C’est la République contre la Révolution.

Reconnaissons-le : nous ne sommes pas complètement affranchis de tout esprit aristocratique (étymologiquement : le commandement par les meilleurs) : chaque demande nouvelle de démocratie, est régulièrement combattue au motif que l’efficacité ne pourrait découler que d’une médiation par un petit nombre.

La constitution de majorités d’idées en action peut se substituer au système représentatif. Dans le tumulte, certes, mais quel acquis n’a jamais été obtenu dans le calme d’une antichambre ? Ne peut-on pas envisager que c’est au cœur des luttes et des actes alternatifs que s’élaborent les solutions mais aussi les moyens de leur donner force de loi ? Que les assemblées locales s’octroient des compétences jusque-là réservées à l’État, désignant à chaque fois des chargés de mission ou porte-paroles avec des mandats impératifs ? Dès lors l’enjeu premier d’une élection n’est pas d’élire mais de se compter afin de cristalliser colères et luttes en puissance politique.

La constitution de majorités d’idées en action peut se substituer au système représentatif

 Si un tel changement ne peut se faire du jour au lendemain, rien ne nous empêche de commencer tout de suite à mettre en cause cette distorsion entre luttes et enjeux électoraux. Car nous ne partons pas de rien.

Celles et ceux qui font déjà l’actualité par leurs luttes et leurs actions ne peuvent-ils pas s’interroger dans leur diversité, sur la manière d’acquérir le pouvoir de réaliser leurs choix ? Déjà ce qui caractérise la plupart des luttes et expérimentations alternatives est de vouloir concevoir et faire par soi-même. Des Gilets Jaunes (notamment avec le RIC et leur capacité à s’organiser deux ans durant) à MeToo, en passant par le climat, l’antiracisme, les luttes sociales, la défense des libertés, les Zad ou Conseils d’Habitants. Ces nouveaux comportements révèlent et aiguisent la crise du système représentatif. Ils expriment une quête de ce que doit devenir la politique.

A partir d’actions communes, de liens divers, des assemblées citoyennes peuvent se constituer dans de multiples endroits. Sans être chapeautées par des partis ou organisations mais comme suite des mouvements qui n’ont pas encore franchi la frontière du politique. La question de la « démo/cratie », c’est-à-dire de « pouvoir-imposer » peut vite devenir un thème unificateur des luttes et expérimentations.  Suivant le nombre d’endroits où on aura osé le faire, le peuple prendra concrètement du pouvoir. N’est-ce pas ainsi que peut commencer une Révolution vraiment démocratique ?

Il faut opposer (à la représentation) l’auto-institution


Déjà-là et alternative

Pour sortir de la délégation de pouvoir, des expériences se mènent. Pour Léa Vasa « il faut  travailler à mettre en valeur des exemples et des initiatives qui existent sur les territoires parce c’est impossible d’imaginer un monde dont on n’a pas eu les premiers aperçus ».

Charlotte Marchandise évoque les questions qu’elle s’est posée lorsqu’elle était élue locale :

« Ce qui m’intéresse, c’est comment on prend les décisions pour le bien commun.  C’est ce que l’on essaie de mettre en place avec  « Plus belle la politique, » avec une vraie volonté de poser ces questions de façon populaire… il faut construire des récits, non pas dans le jargon des groupes et des partis politiques mais bien avec tous et toutes en demandant : vous attendez quoi d’un élu ?

II y a en effet aujourd’hui,  de nouvelles possibilités, de renverser la démocratie… je pense au jugement majoritaire  qui permet de ne plus voter contre mais de voter pour des projets et de redonner du sens à l’élection. Il y a évidemment le RIP, il y a plein d’espaces où redonner ce pouvoir quel que soit le niveau du mandat ; c’est quelque chose de révolutionnaire. Il faut aussi s’assurer que les décisions prises pour des personnes ne soient pas prises sans elles … ».

Jean Paul Leroux   pense que « la sortie (de crise) se trouve dans la créativité à l’œuvre de façon récurrente, et en nomme quelques manifestations.  Il y a d’abord les covenants du Mayflower en 1620 et puis  les conseils de Russie en 1905 et 1917, la Hongrie en 1956, Lip et l’autogestion, le Chiapas, les GAM, les conventions citoyennes qui reviennent au tirage au sort ou à l’auto-institution et il existe dans les Hautes Alpes  un collectif qui s’appelle Hautes Alpes Solidaires Écologiques et Citoyennes qui fonctionne sur la modalité des conventions citoyennes …

Il faut  opposer (à la représentation) l’auto-institution, l’autonomie de la cité ; soit la capacité à nous donner nos propres lois, ce qui implique aussi celle de juger par nos propres tribunaux de la bonne observation des lois et enfin  de nous autogouverner et de ne pas être gouvernés. Il faut du temps pour se consacrer aux faits politiques… la révolution sera temporelle ou elle ne sera pas ».

Pour Henri Mermé, il faut « mettre en lumière des exemples concrets de faire de la politique autrement, de façon alternative et citoyenne ». A l’exemple des Hautes Alpes, il en  ajoute  d’autres : à Louviers, à Lutterbach, à Mancey…  des initiatives qui témoignent de « ce que nous appelons le déjà-là c’est-à-dire les germes de tout changement déjà à l’œuvre, socle indispensable à celui-ci ».

Laurence Boffet, élue de Lyon métropole évoque une expérience avec 4 écoles :

« Il s’agit de donner des délégations sur des thèmes particuliers à des élèves qui ne sont pas les délégués de classes ; Il y a plein de gamins et de gamines qui sont représentant.e.s de leurs copines et copains sur des sujets différents. Et on constate que ça marche très bien… Il y a plein de solutions concrètes et lorsqu’on arrive à faire un assemblage de ce triptyque usager.e.s, agents.e.s, élus.es, on arrive à de bons résultats. »

l’appropriation du politique se fait d’abord par l’action

Pour Bruno Dellasudda, « l’histoire de la convention citoyenne est intéressante : toutes et tous les participants.es ont l’impression de s’être fait rouler dans la farine et  ils en redemandent…  c’est la soif de la démocratie… il y a eu un processus de tirage au sort, détourné d’autant plus facilement que à gauche, nous sommes très peu à nous  y intéresser ».

Puis il reprend la formule altermondialiste « démocratiser radicalement la démocratie… l’articulation de la démocratisation des institutions et de la démocratie participative,  dans la perspective d’un dépérissement et la construction, par le bas, d’une démocratie active, subvertir les processus électoraux, c’est la condition  qui peux justifier de se présenter aux élections. »

Pour Adèle Dorada, la vraie démocratie est « dans les assemblées de travailleuses et de travailleurs en lutte, dans toutes les manifestations revendicatives… la démocratie c’est évidemment le débat, la discussion sur la base d’intérêts matériels ; et quand on voit une assemblée générale de travailleurs et de travailleuses qui décide ensemble des moyens à mettre en place pour instaurer un rapport de force, on se rend compte de la force qui se dégage de cette possibilité pour chacun(e) d’être intégré(e) dans les prises de décisions collectives ».

Pour Daniel Rome, «  être élu ne doit pas être un métier », il propose un statut de l’élu qui doit permettre sa reconversion et il propose  « que la moitié des élus le soit par tirage au sort ».

Léa Vasa  élue de Paris qui expérimente un lieu autogéré, pense que « l’appropriation du politique se fait d’abord par l’action. Ce peut être des luttes, de l’association, des communautés de vie, des petits projets locaux, en tout cas démultiplier des occasions de faire  pour se rendre compte qu’ils (les gens) ont un pouvoir de décision.

Il faudrait intégrer dans une éventuelle  nouvelle constitution des éléments que nous avons évoqués, des éléments fédéralistes, qui existent aujourd’hui, voire des représentations des régions, des ouvertures citoyennes (on a parlé de tirage au sort) dans la représentativité, et du mandat impératif » .

Adèle Dorada évoque le nécessaire développement de « contre-pouvoirs,  pour rendre la société plus juste et changer la démocratie, »  elle fait la proposition  « pour subvertir la démocratie, d’organiser des grèves massives pendant la campagne électorale, des manifestations féministes, des actions écologistes, des mobilisations contre les violences policières et le racisme etc ».

Pour Laurence Boffet, «  si on arrive à faire un mouvement de masse, on y va… mais si on y arrivait,  on n’aurait pas eu les lois travail, retraite etc… » Elle évoque ensuite le projet de revenu de solidarité jeune de la métropole de Lyon « concerté avec l’ensemble des travailleurs sociaux et les associations … et aussi avec des jeunes en très grande précarité… c’est un travail très intéressant et grâce à eux, on a amélioré plein de choses ».


Peut-on subvertir le fait électoral ?

subvertir les processus électoraux, c’est la condition qui peut justifier de se présenter aux élections

De toute évidence la question reste inaboutie et laisse ouverte bien des avis et hypothèses. Si les luttes (et la lutte des classes ) sont un marqueur décisif d’une telle subversion, les avis sont  partagés sur la possibilité d’une concrétisation réelle ou d’un impact effectif.

Adèle Dorada observe que « Le rapport de force c’est forcément une action collective et le vote aux élections malheureusement une question individuelle qui est bien différente de la manière dont la démocratie s’exprime dans les luttes ».

Pour Catherine Destom-Bottin, il s’agit de ne pas pour autant, négliger ce temps électoral : « On a ce tableau d’une démocratie en crise et en même temps on sort de chaque consultation électorale avec le concert bien-pensant sur l’abstention, reprochant aux abstentionnistes de mettre en danger la démocratie en disant que le vote serait la clé de la démocratie.  Je crois que toute crise renferme la possibilité de son propre dépassement. Et j’ai le sentiment qu’on ne peut pas travailler les questions de la démocratie en dehors de la manifestation de sa crise. J’ai cessé de concevoir le moment électoral comme un « piège à cons » mais comme un temps, un lieu à ne pas négliger, comme moment propice à travailler la crise de la démocratie ».

Pour Charlotte Marchandise: « il y a en effet des mécanismes aujourd’hui qui permettraient de renverser la démocratie,  qui permettent de ne plus voter contre mais de voter pour des projets et non pas voter pour le pire mais donner du sens à l’élection ». Condition suffisante ?

Sylvie Larue constate qu’«  en fait sorti.e.s de l’isoloir nous ne décidons plus de grand-chose mais, en plus, ce qu’on exprime parfois dans l’isoloir ne sert à rien. ». Relevant « qu’après chaque scrutin il y a un décalage entre ce qui était promis et ce qui est en fait mis en œuvre.  Et à chaque fois les électrices et les électeurs sont déçu.e.s ».  Elle observe que même sur les référendums, les victoires populaires comme celle du NON au TCUE et celle du NON aux politiques d’austérité en Grèce se sont transformées ensuite en défaite. « A l’instar de  Wolfgang Schauble qui déclare que les élections ne peuvent pas changer ce qui a été décidé dans les traités qui ont inscrit dans le marbre les politiques libérales », quand les élections donnent des résultats contraires à leurs visées, les forces du capital trouvent des solutions pour les détourner. Il  reste à « S’inscrire dans un processus de dépassement du capitalisme <qui> inclut de chercher à  subvertir l’organisation de la démocratie ».

Bruno Dellasudda ne se résout pas à constater la crise de la représentativité et de la politique: « en mettant en place une démocratie par le bas, une démocratie active, citoyenne, autogestionnaire qui sera par moment en conflit avec la démocratie représentative », il exprime « qu’on peut subvertir les processus électoraux. Faire en sorte de favoriser la démarche citoyenne et faire en sorte que les forces politiques se mettent au service de cette démarche, sans prétendre diriger les processus ». Et insiste : « subvertir les processus électoraux, c’est la condition qui peut justifier de se présenter aux élections. Sans cela ce n’est pas la peine ».

A propos de l’élection présidentielle, Charlotte Marchandise fustige l’attitude des forces politiques de gauche et fait référence au processus de primaire citoyenne: « Vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord ? Nous les citoyens, on va vous mettre d’accord et on va mettre en place autre chose car nous voulons devenir les acteurs de la politique au moment de l’élection et surtout pendant tout le mandat ».

Pour Adèle Dorada , les luttes sont la seule alternative possible : « puisque la vraie alternative, c’est la lutte sociale et l’auto-organisation des luttes sociales ». Elle fait la proposition  « pour subvertir la démocratie, d’organiser des grèves massives pendant la campagne électorale, des manifestations féministes, des actions écologistes, des mobilisations contre les violences policières et le racisme etc ».

Catherine Destom-Bottin analyse que les formes d’action collective peuvent « pervertir la démocratie ».  Elle évoque les gilets jaunes, les luttes contre la loi travail, les Nuits Debout et invite à rêver : « débattons, faisons de cette crise  la construction des leviers de récupération-développement de la souveraineté populaire ! Ils pervertissent la démocratie… pervertissons le moment électoral. Soyons le lieu de débridage de l’imagination  pour utiliser le moment électoral et ses panneaux électoraux. Pourquoi pas une candidature qui proclame qu’elle n’entend pas « représenter, » qu’elle n’entre pas dans le marathon électoral mais qu’elle appelle à des assemblées populaires où s’élaborera l’intervention populaire pour prendre barre sur les communs qui font nos vie ? »

A l’instar d’Henri Mermé qui insiste sur le temps nécessaire au processus de changement et de transition, pour Jean-Paul Leroux, « S’autogouverner prend du temps, il faut prendre du temps ailleurs, la révolution sera temporelle ou elle ne sera pas ».

De toute évidence, pervertir le fait électoral, si l’objectif n’entraîne pas un enthousiasme massif, cela suppose de redéfinir ce qu’est la politique, de renouveler la démocratie (pas seulement sa forme représentative), voire de rompre avec celle-ci. Dont les conventions citoyennes, et les tirages au sort, semblent ouvrir des solutions. Et de repenser la totalité du fait électoral dans une nouvelle donne de la démocratie et une pensée pratique transformant la politique même…  le fait électoral devenant dès lors (B. Della Sudda) un moment du processus d’émancipation générale.


Quelques réflexions à propos du vote, des votes….

Christian Mayeux

D’une manière générale, et un peu abstraite, le vote est un des outils utiles pour la vie démocratique. Le rejeter par principe semble peu efficient ; le porter au pinacle comme le symbole même de la démocratie parait peu judicieux. L’action de voter n’a pas un sens unique. Il dépend du sujet, du périmètre géographique, du cercle des votantes et votants, du but recherché, etc. L’objet même du vote est déterminant : s’agit-il d’élire ou de décider sur tel ou tel point ? S’il s’agit d’élire, est-ce sur un mandat ou seulement sur un programme dont le non-respect n’entraîne nulle révocation ? Si c’est pour décider sur tel ou tel point, est-ce d’emblée le seul mode de décision retenu ou le vote est-il un moment indicatif dans la recherche d’un consensus permettant d’avancer ensemble ? Qu’il s’agisse d’une élection ou d’une décision, considère-t-on celle acquise dès lors qu’on a seulement le plus de suffrages ? Plus de 50% ? Plus de 66% ? On peut allonger la liste des questions nécessaires pour savoir de quoi on cause réellement.

Le mouvement des Gilets jaunes de 2018/2019 a porté ces interrogations, ces réflexions. Le syndicalisme révolutionnaire aussi, bien auparavant. Des courants politiques également. Globalement, tous et toutes ont eu du mal à se fédérer. C’est une faiblesse dramatique, mais qui n’est pas le sujet de cette contribution.

A partir du fonctionnement de l’Union syndicale Solidaires et des principes qui ont guidé la création de SUD-Rail [SUD Cheminots à l’époque] en janvier 1996, il me parait utile d’expliquer en quoi limiter le recours au vote peut être source d’une vie démocratique plus forte. La formulation est volontairement provocatrice, car chacune et chacun sait comment la suppression du droit de vote peut être utilisée à des fins totalitaires. Mais revenons-en à l’exemple syndical (qui s’applique à bien d’autres cadres) : imposer des décisions à 49% des personnes impliquées dans un collectif est-il le summum de la démocratie ? N’est-il pas plus juste de prolonger les discussions jusqu’aux décisions et/ou formulations qui permettent un consensus ? Certes, peut paraître plus compliqué ; cela oblige à ne pas se contenter de répéter et défendre « sa position », mais à rechercher celle qui recueillera l’accord de tous et toutes … sans pour autant faire disparaître les avis opposés. Mais ces avis ne sont … que des avis. Le fonctionnement collectif démocratique consiste à décider ensemble, à partir de ces avis ; donc à forger une décision qui, souvent, ne correspondra à 100% à aucun des avis initiaux. Cela oblige à défendre une proposition de position qui n’est pas celle portée initialement, mais qui prend en compte celles exprimées par d’autres. Au-delà de l’aspect démocratique, en termes d’efficacité n’est-il pas plus pertinent de construire une décision consensuelle, plutôt que d’imposer à la minorité une décision … que celle-ci n’appliquera pas ou appliquera en traînant les pieds ?

limiter le recours au vote peut être source d’une vie démocratique plus forte

La réalité est que, lorsqu’on débat de la pertinence du vote on parle en fait de la seule compétition électorale dans le cadre des institutions de la république bourgeoise confortée sur le massacre des communeuses et communeux il y a 150 ans. Et oublier cette partie du problème, fausse grandement la discussion ! Le choix électoral n’est pas la démocratie, lorsque exploitation, inégalités et dominations demeurent le socle du système. Face à cela, et aussi aux promesses non tenues qui sont légion, un nombre de plus en plus important de personnes ne votent plus. D’autres s’astreignent à le faire, pour défendre un droit. D’autres encore continuent à penser qu’il faut, non seulement voter mais aussi être candidat∙e. Certaines et certains votent en fonction d’enjeux particuliers (les conséquences de l’arrivée de l’extrême droite à la tête des institutions, par exemple). Tous et toutes (nous parlons là de « notre camp ») répètent à l’envie que l’essentiel n’est pas là mais dans les luttes, dans l’articulation entre combats d’aujourd’hui et construction de la société de demain, dans le réalisme de nos utopies, etc. Alors ne faisons pas comme si les élections institutionnelles n’existaient pas, mais ne nous polarisons pas dessus. Voter, ne pas voter, voter pour qui… discutons-en, pourquoi pas ; comme on discute de plein d’autres choses. Mais, surtout, ne nous divisons pas à cause de choix différents lors de ces très courts moments de notre vie sociale !

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1 réflexion sur “Que faire du fait électoral ?”

  1. Quelques mots sur “élections/vote. Le “suffrage universel” de 1848, mis en place après la révolution de Février 48, n’avait pour but que de canaliser vers un lieu relativement clos l’expression des revendications des “classes dangereuses” (Guizot) , dont le nombre était tenu à l’écart des urnes par le suffrage “censitaire”, classes qui avaient conduit à l’affrontement violent de Juin . D’où le danger du scrutin proportionnel (SP) et l’intérêt du scrutin d’Arrondissement (SA) dont les circonscriptions (circons.) soigneusement charcutées en amont, permettait de faire élire , à peu qui on voulait (ainsi de la circons. de Nogent s/Marne (94) qui resta longtemps coupée en deux morceaux (éloignés de 1 ou 2 KM) De plus le SA pousse au bipartisme cher aux anglo-saxons et à la SD car il permet ( voir le 20 Juin prochain) des “combinaisons” très… variées. Dans un 1er temps le SP (dit “aux plus forts restes”) fut manipulé dès 1951, (J. Moch, Ramadier) par le système des “apparentements”. Puis le SA est installé durablement, sur un putsch, en Mai 1958, où le discrédit de la SFIO et la prééminence du PCF, permettent la mise en place du dualisme de Guerre froide “les communistes ou nous”( le moindre mal se met
    en place).
    / par rapport à voter” et “ne pas voter” ou “voter et élire”.
    Bruno Leroux ,PS, disparu corps (et Biens ?) à la suite d’un conflits d’intérêts, fut élu en Seine St Denis, pas à Moscou ni à Pékin, en 2012 avec 100% des voix en France dans cette démocratie exemplaire, nous le savons. Comment cela est-il possible ? tout simplement parce que pour être présent au 2ème T il faut avoir obtenu au moins 10% des votants au 1er T.
    / Deux tours, pour quoi faire?
    Mais pour contrer les choix positifs, constructifs et libres, donc démocratiques, du 1er T. Et pour contraindre à voter contre ses propres choix (ainsi Chirac puis Macron).
    Ce qui présente le double effet destructeur pour le mode électif:
    – de décourager de voter pour son propre choix puisque de ttes façons votre choix constructif sera inopérant et voter par défaut, vote contraint vous permet de vérifier par l’expérience qu’il est stérile de voter. Le NON-vote, pas l’absention, prédomine dans les bureaux populaires; le suffrage censitaire, cher à Guizot ou Lamartine, est donc rétabli: on vote bien davantage à Neuilly(92) qu’à Aubervilliers (93). Ce constat établit que les élections comportent un vrai risque pour le Capital, mais seulement un risque, l’élection ne se suffit pas, voir ” la pause” de L. Blum et Daladier en 1937 et “la rigueur” de 1983 ou Tony Blair ou etc…Le procès électif, même s’il ne se suffit pas, est bien démocratique, il est donc dangereux pour le Capital (pour mémoire la Chambre compte 577 députés, le même nombre qu’en 1791 pour une population hexagonale un peu… supérieure) Il est donc impératif de trafiquer le scrutin (le SA) ou le décourager( vote négatif, par défaut)
    / d’écarter , au nom de “l’éparpillement” possible des choix, entravant le travail de l’exécutif (ce qui est vrai, mais pose LA question de l’action des salariés, et électeurs en dehors même de l’épisode électoral ). Situation qui induit le bipartisme (Cf. Ci-dessus) objectif poursuivi depuis 1946. En outre, “l’éparpillement” de la vie sociale dans sa diversité n’était pas le à la politique ce que la diversité est à la botanique. Ajoutons que “l’éparpillement” contraint cette fois les candidats, puis les élus une fois en place, à présenter des “orientations” de projets qui fassent consensus , et de contraindre les électeurs, à veiller au suivi des projets votés, donc à se rassembler pour y parvenir (donc ce pourrait être dangereux pour le sociaux-démocrates et pour le Capital). Le processus électif est dialectique et engage élus et électeurs sinon le système représentatif se charge de sa dérive. IL est désormais voué à cette fin. Ce constat
    suggère que le vote “obligatoire “ne peut que renforcer la délégation(cf. la Belgique) et le “tirage au sort” dépolitisant les enjeux; pourrait bien favoriser les professionnels assez vite.
    / enfin le seuil (de 10% ou autre) exclut ” les extrêmes”….
    CONCLUSION en forme de question(s):
    Pourquoi l’Union des Femmes ont-elles privilégié les Egalité(s) sur le droit de vote en 1871? Parce qu’elles avaient, je crois, compris que les élus en place..sont en place et que seule l’action et le suivi…
    Pourquoi la France, démocratie exemplaire, compte-t-elle un mode de scrutin différent pour chaque type d’éléction?
    Pourquoi la “loi électorale” qui définit le mode de scrutin est-elle modifiable à merci avant chaque scrutin quand l’Angleterre ou les USA votent de la même façon depuis longtemps et relèvent de la Constitution aux USA et de la “common law ou coutume ” de puis 5 siècles environ outre-Manche?
    La démocratie représentative est à bout de souffle(s) or le système représentatif est incontournable face à la croissance numérique et à la maturité politique, en Europe, des électeurs.
    Il faut le dépasser.

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