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Pandémie et arrêts de travail

Pendant la pandémie, la sécurité sociale permet aux salariés, positifs au COVID ou cas contact de demander directement un arrêt de travail à la CPAM en se déclarant sur le  site Ameli sans passer par leur médecin traitant. En demandant via cette plate-forme un arrêt de travail en ligne, ils ne seront pas soumis aux trois jours de carence. Pratique, facile ? Oui mais… Il faut avoir la possibilité et la capacité d’accéder au site Ameli (8 % de la population en 2019 ne pouvait pas se connecter).

L’arrêt maladie est un acte médical thérapeutique et les indemnités journalières auxquelles il donne droit permettent au patient de se reposer, de ne pas aggraver son état de santé, voire de guérir plus vite. Ici c’est l’organisme gestionnaire qui pratique cet acte thérapeutique et se substitue au médecin. On rappelle que la déontologie médicale exige que le médecin ait examiné le patient avant de délivrer un arrêt de travail.

Mais si le patient préfère rencontrer son médecin traitant pour évaluer la gravité, être soigné et débuter un suivi de l’infection COVID, l’arrêt de travail prescrit par le médecin sera soumis aux trois jours de carence. Avec le site Ameli la sécurité sociale fait donc clairement le choix de contourner le médecin traitant. Pourquoi ne pas avoir fait disparaître en cas de COVID les 3 jours de carence pour les arrêts prescrits par les médecins généralistes ?

L’argument de l’urgence et de la santé publique est recevable mais incomplet. L’exigence d’efficacité en santé publique aurait nécessité par exemple, que les tests PCR soient possibles le week-end. Or l’organisation a été confiée à des acteurs privés (les laboratoires d’analyses, ou les pharmacies) qui ne travaillent pas les week-ends.

Les économies pour la sécurité sociale ? Les arrêts de travail, une des qualités d’efficience du système de santé français sont une dépense importante de l’assurance maladie. Ils sont prescrits essentiellement par les médecins généralistes et très peu par les médecins hospitaliers.

La pression sur les salariés et les médecins pour réduire la durée de l’arrêt est de plus en plus forte au fil des années.  A cette fin, ce sont des méthodes du « soft power » qui sont utilisées : un discours ambiant culpabilisant pour les salariés et les médecins, relayé par les employeurs et parfois par la CPAM, les retards de paiements des indemnités journalières, qui peuvent parfois dépasser le mois et faire renoncer les patients à leur droits, la déclaration en ligne des arrêts de travail par les médecins qui tend vers une standardisation de la prescription, parfois irréaliste et  qui ne tient jamais compte des données personnelles de chaque patient.

Mais derrière ces objectifs comptables, on peut s’inquiéter de la transformation progressive de l’assurance maladie. Ainsi la déclaration des arrêts de travail sur des plateformes web permet l’augmentation du recueil d’informations sur les patients. Or ces données terminent dans le « health data hub[1] » français créé en 2019 et permet sous conditions, des accès à des données de la sécurité sociale à des opérateurs privés.

La volonté occulte de ne pas augmenter le nombre de médecins, médecins qui ont le pouvoir de décider qui doit s’arrêter ou pas. Dans certains cas, les arrêts de travail peuvent être prescrits transitoirement pour protéger un salarié de conditions de travail qui aggravent son état de santé. Il ne faut pas oublier que dans certains pays européens les arrêts de travail pour cause de maladie ne sont pas donnés par le médecin mais résultent d’une négociation ponctuelle entre l’employeur et le salarié isolé (Pays Bas).

Dans le cas des arrêts maladies pour COVID, le filtre du médecin a disparu. Un précédent fâcheux est créé.

La philosophie de la sécurité sociale tend à devenir celle d’une assurance privée. Il ne s’agit plus de garantir à chacun « qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes » mais d’abord de faire des économies, éventuellement au détriment de la santé de certains patients.

Sylvie Faye-Pastor


[1]               https://www.cnil.fr/fr/la-plateforme-des-donnees-de-sante-health-data-hub

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