Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Sur les écrans de nos identités

            Dans « Josep », Aurel signe un portrait touchant et magnifique d’un artiste engagé dans la Retirada, autour de l’amitié naissante de ce résistant avec un gendarme que ce film porte à voir les renoncements du gouvernement français de l’époque, les conditions de survie dramatiques de ces réfugié.e.s. Il rend ainsi une belle visibilité à tout un pan de l’identité d’une partie de l’immigration espagnole.

            De l’autre côté de l’Atlantique, « Antebellum », film US de Gerard Bush et Christopher Rensch, s’il hésite entre gore et social, offre l’écran au racisme suprématiste blanc décrivant image après image les mécanismes de cette « folie », sa légitimation par une histoire fantasmée qui fait le ménage dans les mémoires individuelle et collective pour forger un « homme nouveau » immémoriel. Bigrement d’actualité !     

            « Adolescentes », de Sébastien Lifshitz , décrit la formation de l’identité de deux jeunes adultes. Ces 5 années où la fin de l’adolescence se métamorphose dans le monde adulte. Nos deux brivistes indiquent aussi ce que porte une ville moyenne de région, dans la construction de personnalités. Cette tranche de vie regarde ces lycéennes ordinaires de la « génération No Future ». Ce film n’évite ni les écarts de classe, ni le travail du temps, ni une dissociation physique qui est moins celle de la corpulence que de la représentation des normes. Ou l’histoire d’identités maltraitées, contrariées qui doivent affronter les normalisations et les rigueurs d’une société préoccupée de nous digérer avant que d’offrir le visage du possible. Celui que les premières fois laissent entrevoir : être soi…

            Et c’est d’une tempête d’identité que nous entretient Maïwenn dans son « ADN ». Divorcée mère de 3 enfants, Neige s’était construite un « soi » avec son grand-père algérien, pilier d’une famille où rancœurs et perversité font plus que force et que rages… Comment se maintenir dans ce maelström ? La mort du grand-père va soulever bien des questions d’identité, une quête des origines. Entre France et Algérie, ni d’ici ni d’ailleurs… racisme et xénophobie peuvent-ils muter un ego ?

Dans « Ondine », Christian Petzold signe une heure et demi d’une intense poésie qui démontre que l’identité d’un être humain n’existe pas sans son rapport à l’autre, aux autres ; sans être aimé, aimant la petite Sirène n’est qu’illusion. Ondine se déploie entre conte et archéologie. Un film qui rappelle en ces temps d’autoritarisme hygiéniste que l’être humain est d’abord un animal social.

Ces films de l’année 2020 centrent le propos sur les identités, leur quête, leur mise en fantasme et leur mythomanie sociale. Au fond ce cinéma-là n’illustre-t-il pas les incertitudes de l’aventure individuelle dans l’atomisation de repères collectifs ? ne laisse-t-il pas entrevoir un nécessaire dépassement des couleurs pour l’interaction des « soi ». On regrettera sans doute que ces regards survalorisent les personnes au détriment d’une geste collective. Mais ces signaux ne signifient-ils pas que la question des droits individuels ne peut pas être déconnectée de la trame sociale qui en fait le contexte ? Au-delà du florilège de ces sorties cinématographiques on se réservera (quand les salles seront rouvertes…) le plaisir de ces découvertes… et de leurs réflexions.

Patrick Vassallo

PHOTOGRAPHIE : D’HUMANISTES RÉCITS VISUELS

Au moment où le prix Woman in Motion est attribuée à Sabine Weiss, dernière représentante de la « photographie humaniste », nous constatons une situation paradoxale. Si Visa pour l’image à Perpignan ou Arles portent haut l’exposition et la galerie photo, le secteur a lui aussi beaucoup souffert ces dernières années. Il n’y a pourtant jamais eu autant de photos prises, par des journalistes qui écrivent et illustrent, par des citoyen.ne.s attentifs à leurs voisinages, par toutes sortes de smartphones qui alimentent les réseaux sociaux, les dénonciations ou les disques durs. Mais les récits photo se font rares. L’accumulation de clichés se conjugue à l’éphémère, même les micro vidéos sur les réseaux sociaux soulèvent de l’émotion, mais ne montrent pas des morceaux de vie. Le flash remplace l’album…Paradoxe qui risque d’éteindre mort née toute mémoire de l’humanité. De son observation ; pour comprendre.

L’interdiction (de la diffusion) de photos d’actions policières nous rappelle cependant que l’image peut être aussi lanceuse d’alerte. Parfois même preuve et témoin.

A Milan Kundera qui écrivit que “La mémoire ne garde pas des pellicules, elle garde des photos.” , Marc Riboud répondait que “La photographie ne peut pas changer le monde, mais elle peut montrer le monde, surtout quand le monde est en train de changer.” 

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