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Mali : Aube ou crépuscule

En 60 ans d’indépendance, le Mali a connu 3 Républiques et 5 présidents (+ un intérim chahuté). 4 de ses cinq présidents de plein exercice ont été renversés par des coups d’État militaires, tous accueillis de façon plutôt bienveillante par le peuple. Dernier épisode : de jeunes colonels viennent de mettre fin au pouvoir d’un vieux président discrédité par sa gestion « familiale » et inopérante de l’État, dans un pays grignoté par les mafias qui se partagent d’immenses portions du territoire sous le drapeau du Djihad et d’irrédentisme divers entremêlés de trafics en tout genre : otages, or, drogue, aspirants à l’émigration… Ce coup d’État succède à des soulèvements massifs de la jeunesse chaperonnés par une coalition hétéroclite de vieux politiciens presque tous mouillés dans la gestion gouvernementale qui a provoqué la colère du peuple. Unique revendication audible : la démission acquise du président. Mais difficile de discerner sur quel projet peut déboucher une palette de politiciens qui va de marxistes affirmés à des soutiens convaincus de l’ex-dictateur Moussa Traoré placés sous la houlette d’un imam prêchant l’Islam wahabite.

Pourquoi cette rémanence de l’insatisfaction populaire, de l’incurie gouvernementale, de la tentation de s’en remettre au pouvoir des armes ? Le Mali souffre toujours et gravement des vertigineux déséquilibres mondiaux dans l’accès au soin, à l’éducation, à la simple sécurité alimentaire hérités de la longue occupation coloniale. Ce Mali est désormais relié par des millions de téléphones aux réseaux qui répandent les images de ce déséquilibre. Fuir le pays ? Bloquer les carrefours ? Couper les routes ? S’abriter sous le drapeau du djihad ? Rejoindre un réseau de trafiquants ? Négocier sa part avec une administration massivement corrompue ? Du nouveau pourra-t-il sortir de ces événements ou le retour au désordre institutionnel et à l’État de non-droit en est-il l’inévitable issue avec à la clef une nouvelle révolte, un nouveau pronunciamento ?

Un des verrous est l’absence d’institutions représentant de façon crédible l’intérêt général. L’appareil de l’État est un produit d’importation tombé des bivouacs coloniaux. On s’en sert et on s’y sert comme d’un butin. On n’y croit pas. Pourtant, mille initiatives économiques, culturelles, sociales germent un peu partout témoignant d’une véritable effervescence de créativité dans un pays dont les trois quarts des habitants ont moins de 30 ans. Cette énergie est à l’œuvre, convaincante, mais sans relai institutionnel pour faire converger ses puissances éparses et construire la puissance du peuple. Inventer des institutions habitables, intériorisables, crédibles, taillées à la mesure de l’histoire malienne est un des grands enjeux des mouvements en cours. La transition qui s’annonce en prendra-t-elle les moyens ou aboutira-t-elle à la reproduction des cycles antérieurs. Aube ou crépuscule ?

La question institutionnelle qui taraude le Mali et les États africains post coloniaux est développée dans le texte proposé sous ce lien  :

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