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Construire une école commune ambitieuse pour « le Monde d’après »

En avril dernier, Cerises invitait à dépasser les colères et penser le monde d’après. Poursuivant cette recherche d’alternative, nous lançons une première réflexion sur les enjeux éducatifs.

 

En cette période de rentrée, nous ne sommes toujours pas sortis de la crise  sanitaire, politique et sociétale majeure provoquée par la pandémie du Covid19. Cet évènement exacerbe la crise systémique qui caractérise notre époque dans ses différentes manifestations.

L’école n’échappe pas à ce contexte. Malgré l’aplomb affiché par Blanquer, ses propos destinés à rassurer parents et enseignants.es : « on a tout prévu… ! », les équipes éducatives ont les plus grandes difficultés à se projeter pour cette rentrée particulière. Alors que d’autres pays européens ont prévu des moyens supplémentaires pour dédoubler les classes, recruter de nouveaux enseignants,  équiper élèves et personnels  en masques ou autres matériels de protection, le Ministre de l’Éducation Nationale organise la rentrée sans autre dispositif qu’un nouveau protocole sanitaire sorti des cartons 3 jours avant la rentrée, et imposé sans aucune concertation avec les principaux intéressés. 

La période de confinement, avec la mise en place plus ou moins chaotique de formes d’enseignement à distance improprement nommées « continuité éducative » a mis en évidence l’ampleur des inégalités, entre élèves et, au sein même de l’institution, entre enseignants.es,  établissements, départements, régions. Cela ne date pas de la crise sanitaire, notre école est en crise structurelle, plombée par les logiques de sélection et d’austérité qui la gangrènent.

Or comme le dit fort justement Elsa Faucillon dans une de ses interventions au parlement,  «  La bataille pour une école qui prépare les enfants à transformer ce monde n’a rien d’annexe ou de secondaire, on pourrait même commencer par-là, non ? ».

Un néolibéralisme offensif et conquérant qui se présente aujourd’hui comme « l’avant-garde » de la transformation de l’institution scolaire, pointant des dysfonctionnements qu’il a lui-même contribué à amplifier, s’efforce, notamment sous l’égide du ministre Blanquer, d’exploiter la situation en accélérant autant que possible la mise en œuvre des réformes imposées depuis près de deux ans  en particulier au niveau du lycée. La tentation est forte, par exemple, d’utiliser demain l’expérience acquise par les enseignants et certains élèves pour développer des formules d’enseignement à distance expérimentées pendant la période de confinement.

Du coté des forces de transformation sociale qui nous intéressent, nombre de réflexions aboutissent aujourd’hui à des propositions intéressantes. Ainsi le texte-pétition élaboré par des enseignants de l’académie de Nancy-Metz qui appelle à « reprendre le pouvoir sur leur travail et son organisation ». Ainsi l’appel du collectif des salariés et usagers de l’éducation pour une école gratuite, égalitaire et solidaire « Pour un plan B écologique et social pour l’éducation » publié par le mensuel Les Zindignés.es sous la signature de Paul Ariés, Christian Laval, Laurent Paillard et Samy Joshua, le 22 avril 2018 qui proposait d’ouvrir un grand débat national autour de « 13 questions clés pour une école réellement émancipatrice ».

Ainsi, la construction par les organisations syndicales et associatives réunies dans « l’appel des 18 » sous le mot d’ordre « Plus jamais ça ! Un monde à reconstruire », d’une démarche et d’initiatives communes sur « la nécessité de changer de système », avec à la clé 34 propositions à débattre. 

Pourtant, si on reprend les thèmes des propositions du « Plan de sortie de crise » mis en avant par les 18, la question de la construction d’un système éducatif démocratisé et émancipateur pour tous brille par son absence quasi totale.

Rappelons que l’éducation est le socle de tout système démocratique ; elle  permet aux citoyens de s’approprier les savoirs, les modes et les cadres de pensée  et de construire sa propre capacité de choisir et d’agir. Mais force est de constater que, depuis plusieurs décennies, notre système éducatif a dangereusement basculé dans la seule formation d’individus adaptés à la production et au marché capitaliste néo-libéral.  Au sortir de cette période de crise, il ne peut être question d’accepter de continuer dans  cette voie, comme si le « monde d’après » devait ressembler – en pire – au « monde d’avant ».

Et si on essayait de définir la perspective d’une véritable école égalitaire, efficiente, démocratique et émancipatrice pour toutes et tous ?

Et si on essayait de penser  un grand service public outil de formation intellectuelle et professionnelle tout au long de la vie, permettant aux travailleurs et travailleuses d’assumer l’auto-organisation démocratique de nouvelles formes d’organisation du travail,  de production et de consommation ?

Le mouvement ébauché  autour de « l’appel des 18 » doit se donner une mission délibérément politique  de compréhension de la marche du monde, d’identification des enjeux de société et de construction  des modes d’action permettant aux individus de construire leur devenir à partir de réflexions mûries et documentées collectivement. Comment déployer l’indispensable intelligence collective de ce projet sans une véritable démocratisation de l’accès aux savoirs ?

Il est plus que temps, au sortir de cette crise, de se fixer l’objectif de construire collectivement  un projet de transformation radicale du système éducatif pour en finir avec les inégalités qui le gangrènent et  préparer les jeunes à changer le monde de demain.

Cerises consacrera son prochain dossier sur ce thème École, et société. Vos contributions sont les bienvenues. Vous pouvez les transmettre à cerises@plateformecitoyenne.net 

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