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Circuits courts : court-circuit ou alternative ?

            Le confinement a redéployé tant la question alimentaire que celle des circuits-courts, « boostés » par la remise en cause du consumérisme exacerbé, le besoin de manger sain et de traçabilités ou l’envie de proximité. Tout ce qui rapproche production et consommation, AMAP, ventes directes, « Ruches », systèmes coopératifs, coopératives alimentaires … se sont multipliés, de façon parfois « mercantile », ou voulant promouvoir un autre art de vivre et de consommer. Leur ancrage dans le territoire est solide lorsque ces circuits courts sont portés par des collectifs de quartier, ou une ferme urbaine.

            Pour autant le débat reste ouvert : n’est-ce là qu’une formule plus acceptable du consumérisme en évitant ses excès ? Ces initiatives ouvrent-elles de réelles perspectives d’un autre vivre ensemble ? 

             Les premiers réseaux en particulier les AMAP,  en relation souvent avec la Confédération Paysanne, avaient un caractère « militant » mais depuis certains se sont sans trop de souci insérés dans le système commercial usuel, y compris par accord avec des grandes surfaces, d’autres ont su garder leur « âme ». Les circuits-courts peuvent-ils durablement remettre de la raison, de l’écologie, de la sobriété et de l’humain dans nos pratiques ?  Oui, si l’on examine les conditions de la production, les coûts carbone, l’inflation d’empaquetements.

            Autre dimension : la production alimentaire. La Confédération paysanne, la FNAB et d’autres ont écrit là-dessus. En résumé, sans une production raisonnée, sans rupture avec l’agro-industrie, pas d’horizon acceptable.

            Ces conditions de production concernent aussi l’agriculture urbaine. Le mouvement est réel. Pas seulement au rayon de la « high tech » néo écolo. Jardins partagés, fermes urbaines, réflexions et actions sur l’autonomie alimentaire des villes, place des maraîchages et préservation des surfaces cultivables, obligation de végétalisation percutent quelques axiomes de l’aménagement et de l’urbanisme, provoquent quelques réponses gadgets mais suscitent aussi un vrai mouvement où femmes de quartiers, anciens-es  citadins-es, notamment, inventent des formes nouvelles de vivre leur quartier et leur territoire.

            Mais l’autonomie ainsi promue ne peut être de l’autarcie. Hypothèse irréaliste, mais au-delà, il ne s’agit pas de prôner un repliement mais d’élaborer une autre mondialisation. Le circuit-court c’est aussi la relation directe d’une SCIC commerciale avec une coopérative palestinienne…

            Enfin, les circuits courts conçus comme un nouvel art de ville, appellent une autre conception de bâtir la ville (ou le village). Comment intègre-t-on jardins, zones cultivables, végétalisation, lieux partagés dans nos réglementations ? Comment construire ces réponses avec les habitants-es ? Avec les salariés-es ? Quelles confrontations avec les aménageurs, les promoteurs, les transporteurs face à la question foncière (végétaliser peut faire baisser les prix… ou exclure les moins fortunés ; l’exemple de la ZFE francilienne montre comment une écologie punitive peut léser la banlieue pauvre avec ses vieux véhicules).

            Bref, les circuits courts doivent réorienter notre façon de vivre la ville.

Patrick Vassallo

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