Culture.

PArce qu’on ne peut pas s’émanciper sans aile !


Quand l’intime est politique.

Les Bières en visio sont comme le théâtre en vidéo, c’est sympa mais bon…

Il faudrait tenter de faire la liste : tout ce qui nous manque, tous ceux qui nous manquent. Pour des moments partagés, il faut des corps, des odeurs, du froid, du chaud, un rapport à l’espace, enlever une veste, se frôler sans le vouloir.

Ce confinement mondial, ce ralenti qui accélère nos prises de conscience, nous transforme et transforme le monde.

Il n’y aura pas de retour en arrière. Nous sommes déjà quelqu’un d’autre. Nous avons peur de sortir et quand on sort nous avons peur de sortir du périmètre, peur des gens masqués, peur des gens dé-masqués. Dans les films d’avant, nous nous étonnons des gens qui se touchent, des foules entassés : tous ces gens qui ne respectent pas la distanciation.

Nous sentons que dorénavant nous daterons tout ainsi : avant et après. Et pourtant nous savons qu’il n’y aura pas “le jour d’après” ou alors il a déjà eu lieu. C’est ça : le jour d’après a déjà commencé, pour le meilleur et pour le pire.

Parfois nous pouvons nous rassurer : tout ceci nous questionne, nos imaginaires bougent tous en même temps. La solidarité et les communs sont ressentis pour ce qu’ils sont : un essentiel.

Quand ils manquent la mort rôde. Nous voilà face à la situation toute nue qui amène des questions pas plus habillées : quand est ce que ça a commencé à merder ? et à quel moment j’y ai contribué ?

Multiplier les actes individuels, potager le printemps, consommer local, pédaler et méditer, ne suffira pas à basculer le futur. Chaque nouvelle information le confirme : nous sommes reliés, et pour tout dire, pour l’instant, enchaînés, à ce tragique exponentiel du fait économique. Si nous ne choisissons pas résolument le “nous”, l’addition de nos “Je” nous abîme.

Avec ce confinement, nous pensons vivre une expérience commune, c’est pourtant nos intimes qui sont touchés et nous ne savons pas finalement les douleurs des voisins, le tragique de cet enfermement pour ceux plus fragiles, ceux qui développent des phobies durables, ceux qui n’ont plus de contrats, de ressources, celles qui travaillent et ont peur de partir et peur de rentrer.

Je me dis que c’est aussi une révélation possible : nos intimes sont en lutte de classe. Le choc de ces mois qui semblent hors du temps est un secousse sociale, un tremblement, aux répliques infinies. Nous sommes face à la violence brute de cette division, ceux qui possèdent possèdent aussi leur porte de sortie, ceux qui n’ont rien, n’ont rien que la vie et le désir de tout changer !

Laurent Eyraud-Chaume


Arriver à déceler ces gestes minuscules ou grandioses, de multitudes de vies à peine perceptibles, banales, où l’attente et l’immobilité «pas tout à fait» immobile laissent un vide, un rien immense, une plage de silences pleins d’hésitations. Maguy Marin à propos de May B

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