Notes d'actu.

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Iran : une révolte populaire écrasée dans le sang !

Depuis la chute du Shah et l’instauration de la République islamique il y a 40 ans, l’Iran vit sous l’alternance de gouvernements qualifiés de réformateurs et fondamentalistes dans le spectre politique du pays. Les fréquentes contestations d’ampleurs diverses étaient jusque là l’apanage des grandes villes, et le plus souvent le fait de jeunes, de femmes et de couches intellectuelles mobilisés pour la défense de la démocratie et des libertés individuelles.

Depuis une dizaine d’année, les mobilisations se focalisent de plus en plus sur l’enjeu de l’égalité. C’est nouveau, mais pas vraiment étonnant. L’Iran est loin de la révolution de 1979, et des discours de l’Ayatollah Khomeiny exhortant à agir uniquement pour le peuple et prioritairement pour les plus défavorisé-e-s !

Les politiques de plus en plus libérales des réformateurs, et l’incurie de l’étatisme des fondamentalistes privilégiant une économie de la rente, n’ont cessé de creuser les inégalités sociales. La corruption massive et la spéculation durant les années d’embargo ont même donné naissance à une infime couche de nouveaux et nouvelles ultra-riches exhibant sans vergogne les signes extérieurs d’un luxe inouï. A eux les marques mondiales de luxe, dont la présence ne laisse de surprendre, alors que le peuple doit se contenter de l’invasion des bazars du pays par les sous-produits chinois de très mauvaise qualité au détriment des productions locales ou nationales!

Très vite, les promesses d’un nouveau cycle de croissance économique après la signature des accords sur le nucléaire ont fait long feu. La sortie unilatérale des USA de l’accord, décidé par Donald Trump au mépris de toutes les lois internationales, et l’imposition d’une nouvelle série de sanctions se sont avérés mortifère pour l’économie du pays. L’Iran qui vendait jusqu’à 2,6 millions de barils de pétrole par jour n’en vend plus que deux cent mille, et une récession de 10% est attendue pour l’année en cours. Ces sanctions touchent de plein fouet la vie quotidienne de toute la population, mais elle est surtout désastreuse pour les couches les plus fragiles, et installe une désespérance jamais vu, même pendant les très difficiles années de la guerre avec l’Irak, la plus meurtrière au monde depuis la seconde guerre mondiale !

Le peuple iranien qui voie que la capacité des USA à harceler et s’imposer de force se nourrit de la soumission et de l’incapacité des autres pays, surtout l’Europe, la Russie et la Chine, à l’affronter et s’affranchir de ses diktats, se sent abandonné de la communauté internationale.

La situation économique des dernières années a été source de nombreuses grèves, parfois très importantes comme celle des conducteurs de bus de Téhéran. La seule réponse a été une répression forte des mouvements sociaux et syndicaux. Mais l’augmentation soudaine et brutale du prix de l’essence subventionnée, la moins chère au monde, a frappé les couches populaires où le régime compte habituellement ses soutiens et qui ont le plus de difficulté à finir le mois (les familles des anciens combattants et victimes de la guerre, celles des fonctionnaires, employé-e-s et ouvrier-e-s les moins payé-e-s, celles des chômeurs-ses, y compris les plus diplômé-e-s…).

La répression a été instantanée et intense faisant un grand nombre de victimes dans un blackout total. Du jamais vu ! Cela montre à quel point le régime, qui a affiché une unité exceptionnelle à dénoncer des interventions étrangères certes jamais totalement absentes, a conscience de la profondeur du mécontentement, source d’un rejet de plus en plus  généralisé. D’autant que cette première augmentation va maintenant avoir un effet induit sur les prix à la consommation, surtout pour toutes les denrées de première nécessité.

Henri Mermé

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