Notes d'actu.

Notre récit d’un monde en mouvement.

Trois anniversaires

La chute du Mur, Tiananmen et l’assassinat de Rosa Luxembourg

Comment un pays sans chômage, aux services publics recouvrant santé, enseignement, accès à la culture et à ses pratiques, où le droit du sol était de rigueur, où l’accès à l’IVG était plus libéralisé qu’à l’ouest, comment un tel pays a-t-il pu disparaître ? Question partagée : en 1997 la Volksbuhne de Berlin fait salle comble avec La liberté rend pauvre. Pourquoi devoir choisir entre les deux ? Si ce n’est que les modes d’animation de la RDA ont été calqués sur le capitalisme provoquant un mimétisme avec l’objectif de faire mieux. La différence était réduite au seul partage des richesses. Etatisme, rapports de subordination et productivisme semblaient être la marque de l’efficacité.

 La RDA a vite donné les signes d’une société privée de la dynamique que seule la réalisation d’aspirations mobilisatrices peut produire. Il n’y a pas d’engagement sans liberté et démocratie. Par défaut, il est resté la fascination pour la consommation et les vitrines de l’Ouest et des retards technologiques dus à une absence de motivation. Au fur et à mesure que les générations s’éloignent de la guerre et du fascisme, en RFA des mouvements alternatifs se développent : la France, l’Italie, les USA, la Tchécoslovaquie, la Pologne vont connaître leur 68, réclamant de pouvoir participer activement à faire société. Au lieu d’entendre, la RDA, comme l’URSS (cf l’écrasement du Printemps de Prague) se raidit. De 1981 à 89 les effectifs de la Stasi vont quasiment tripler.

Initialement le peuple ne demande pas l’unification avec la RFA. 52%des allemands de l’Est se disent alors opposés. Ils réclament une troisième voie : ni bureaucratie autoritaire ni loi du marché. D’où les slogans » nous sommes LE peuple » et « Gorbi aide-nous ». Mais la surdité des dirigeants du SED puis leur opportunisme a laissé place à la droite qui a pu, faute de réponse, glisser vers l’unification.

 A chaque fois que des bifurcations à l’Est auraient été possibles, les forces rétrogrades l’ont emporté. Il semble que l’éviction de Kroutchev en ait été le cas. En 1984 Andropov considérait que les écueils étaient dans le Parti. Les gênes autoritaires et bureaucratiques se sont avérés irréductibles. L’impasse est telle que le PC Chinois n’a pas trouvé d’autres solutions que de sombrer dans le capitalisme.

 Il n’y a pas que les allemands de l’Est qui y ont perdu quelque chose : si le modèle soviétique a été l’illusion d’une alternative, sa faillite a contribué à faire du capitalisme le seul système plausible, et a rendu possible sa contre-offensive sociale et idéologique mondiale.

 L’assassinat de Rosa Luxembourg résonne singulièrement. Elle dessinait un autre visage de la Révolution profondément démocratique, où il n’y avait pas d’engagement sans liberté, ni de Révolution sans l’auto-organisation des exploités et le gouvernement autogestionnaire des dominés. Pour la bourgeoisie il fallait que cette voix se taise. Par cet assassinat, le SPD a montré qu’entre collaboration de classes et Révolution, il n’y a pas d’entre-deux. Pas plus qu’entre Révolution et rapports de dominations.

 La concomitance de ces anniversaires rappelle que la question d’une alternative émancipatrice, et écologique, demeure ouverte.

Pierre Zarka

Partager sur :         
Retour en haut