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Partir des besoins

Vivre en bonne santé le plus longtemps possible sans craindre l’avenir ne devrait-il pas être l’objectif de l’activité humaine ?

La définition philosophique du travail n’est-elle pas : « le travail est d’abord ce par quoi l’être humain transforme ce qui l’entoure pour satisfaire ses besoins ».

Mais Wikipédia a une tout autre définition du travail, dite économique : « avec le capital,  c’est (le travail) un facteur de production de l’économie. Il est effectivement fourni par des employés en échange d’un salaire  et contribue à l’activité économique ».

Le travail ou plutôt la force de travail devient ainsi  une valeur d’échange dans la société consumériste.

Ainsi on perd de vue l’objectif de satisfaction des besoins humains  et  c’est sous l’égide de la loi du marché  que nous pouvons acquérir ce dont nous avons besoin,  dans la limite de nos moyens.

Et sur le marché, ce qui prime c’est la valeur d’échange et non la valeur d’usage et encore moins le coût réel. Et de fait, pour satisfaire nos besoins, nous devons, in fine, verser une contribution aux détenteurs de capitaux (prise sur la valeur ajoutée) et aux spéculateurs.

Sans compter que la marchandisation modifie la perception que nous avons de nos besoins pour nourrir l’accumulation capitaliste et financière de la richesse. 

Et s’installe la primauté du chacun selon ses moyens, dans tous les domaines, et jusqu’au bout de la vie,  la solidarité visant à réduire les inégalités devenant un supplément d’âme facultatif.

Une réforme des retraites inhumaine et inefficace

La réforme annoncée des retraites relève de cette idéologie.

On nous martèle que l’objectif est de mettre en place un système qui rétablirait l’égalité en supprimant les régimes spéciaux et en permettant à chacun de recevoir une pension en fonction de ses  versements, la valeur du point étant égale pour tous.

En fait l’égalité évoquée vise surtout à prolonger les inégalités, voir à les aggraver ( voir Cerises d’octobre ).

Et se poursuit ainsi la remise en cause de la sécurité sociale, santé et retraites, dont l’objet était bien de répondre aux besoins de santé et de retraite de tous,  au-delà de leurs moyens pour les plus modestes.

Les systèmes complémentaires de retraites et de mutuelles de santé ( par points ), mis en place pour compenser les réductions de prestations de la sécurité sociale participent de ce choix idéologique qui mène à la privatisation.

Pour aborder ces problèmes de retraites et de  santé, il me semble qu’il ne faut pas nous laisser enfermer dans une approche micro économique en considérant qu’il s’agit d’abord  de coûts  et les coûts bien sûr il faudrait les réduire  en fonction des moyens dédiés ; pour les retraites, 14% du PIB.

Ainsi on plafonne les moyens, alors même qu’on explique que ce qui nécessite la réforme, c’est l’évolution démographique qui impliquera une augmentation du nombre de retraités donc des besoins. Dans cette logique, compte tenu que nos gouvernants n’envisagent aucune réduction significative du chômage qui permettrait d’augmenter les recettes de la sécurité sociale, les seules solutions restantes sont :

– réduire le nombre de retraités en reculant l’âge réel de départ ce qui revient à transformer des retraités en chômeurs non cotisants et ne peut régler le problème des comptes sociaux

– réduire le niveau des pensions

– et  espérer que la réforme entraîne en même temps la réduction du nombre de retraités   en inversant la tendance à l’augmentation de l’espérance de vie. Le rationnement des dépenses de santé pourrait aller dans le même sens.

On voit bien ce que cette approche micro économique, étroitement comptable, a d’inhumain et d’inefficace.

L’approche humaine de la question des retraites nécessite de partir d’une vision macroéconomique, la retraite n’est pas d’abord un coût, elle ne se résume pas à permettre aux « vieux » de survivre jusqu’à la fin aux dépends des actifs. Les retraités sont des actifs qui sont libérés du lien de subordination, beaucoup contribuent à l’organisation de la vie ensemble par choix, et, comme agents économiques, le niveau de leurs ressources a des incidences importantes sur celui de la sacro-sainte croissance.

Appelé à intervenir pour la FASE dans divers meetings organisés contre la loi Fillon, alors que Madame Bettencourt venait de se voir reverser un chèque de 30 millions d’euros par le fisc, j’avais posé cette question :

Qu’est-ce qui est le plus utile pour notre économie ? Donner 30 millions à Mme Bettencourt qui a des comptes en Suisse, vient d’acheter une île exotique sans le savoir ou les donner à des retraités, qui consommeront utile, qui aideront leurs enfants, qui participeront à l’organisation de la vie locale etc,  tout cela contribuant  au développement d’un cycle économique vertueux.

L’évolution de la retraite et des retraités pourrait s’inscrire naturellement dans le débat revenu universel, salaire à vie… 

Une remise en cause nécessaire de la société productiviste

Évidemment répondre aux besoins de retraite, comme de santé,  passe par la remise en cause de la société productiviste concurrentielle et mercantile qui génère stress, pollution, dérèglement climatique, crise globale avec aussi des conséquences sur notre santé et son coût.

Investir dans la santé et aussi pour le développement de notre intelligence, notamment par l’éducation, n’est-ce pas le meilleur et le plus efficace investissement y compris pour un développement raisonné et démocratique de notre économie ?

On peut partager pleinement les propos de KEN LOACH interviewé récemment : « face aux populistes, on a besoin de bons salaires, d’une bonne éducation, d’une bonne santé et de bonnes retraites ».

Et aussi d’une bonne démocratie, en particulier économique, car la satisfaction des besoins humains, c’est l’affaire des citoyens.

Alain Lacombe

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